lundi 26 mars 2012

TEAM ONE - Episode 32

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “- Que se passe-t-il donc ? demanda Salomon, regardant son cousin si métamorphosé avec une curiosité presque réjouie. Le lion serait-il en train de se muer en mouton ?
- Eh bien je ne sais pas trop, vois-tu. Des amis nous ont conseillé de partir à l’étranger, parce que le gouvernement commence à s’intéresser d’un peu trop près aux biens des juifs. Mais je ne sais pas quoi faire. Notre vie est ici, nous ne sommes pas des étrangers, enfin, et puis nous avons toujours eu d’excellents rapports avec les autorités.
- N’y a-t-il pas justement quelqu’un de ce bord-là qui pourrait vous renseigner ? Quelqu’un en qui tu aurais confiance, et qui pourrait te rassurer ? Partir comme ça, brusquement, me paraît un peu précipité, sans compter que ça pourrait donner l’impression que la famille a quelque chose à se reprocher.” (Alice Bé)


(Suite de l’histoire n°2) “Cela faisait trois minutes que Sheep avait sombré dans ses pensées et qu’Heisenberg se mordait les doigts d’avoir voulu accélérer la manoeuvre avec pour tout effet d’avoir poussé son client potentiel, non pas à cesser de monologuer, mais à cesser de monologuer à haute voix, pour s’enfermer dans un mutisme pensif, parfois secoué des murmures vindicatifs aussi pulsionnels que rapides, visant la police, les juges, le maire de son village et le guichetier de la poste locale. Il décida alors d’un repli tactique, lent et progressif, vers la porte. Il n’avait pas fait trois pas, l’oeil toujours rivé vers Sheep, que celui-ci, sorti de sa rêverie, l’arrêta d’une question: “Où allez vous, voyons?”.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Je n'ai pas l'habitude de voir les rues de Paris parfaitement vides ; personne, pas un chat ; aucun autre bruit que le claquement de mes chaussures. Aux carrefours, les feux continuent à émettre leurs signaux, mais il n'y a pas de voiture. Une lumière grisâtre, couleur de laine sale, commence à monter et fait pâlir l'éclat des lampadaires.
Brusquement, devant la vitrine éteinte d'une agence de voyages, je m'arrête. Il faut que je réfléchisse. Si Locus est là, quelles questions dois-je lui poser ? C'est déjà assez compliqué de le trouver, je risque de ne jamais pouvoir le revoir. Je connais l'identité de l'homme qui était avec Reinette ; je peux lui demander des renseignements, en savoir plus sur ce cinéaste. Ce que je ne sais pas, c'est qui m'a envoyé ces textos. C'est ça, la vraie question. Était-ce Locus ? Et si oui, pourquoi ?” (FG)


(Suite de l’histoire n°4) “Sa tête moutonnée dodelinait, indolente.

Il fut pris d’une impression soudaine qu’il perdait sa portance sur l’air et qu’il chutait brusquement. Il poussa un cri et écarquilla des yeux pleins de frayeur.

« Je ! Pardon ! pardon ! pardon ! Coralie, pardon ! Oh mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Que s’est-il passé ? », se lamenta-t-il, confus, agitant lamentablement ses bras mollasses.

Puis il fixa le visage d’Antoine de toute son attention terrifiée.

« Qui es-tu ? Ô masque de mon ennemi !, lança-t-il.

— Eh oh ! Et toi, qu’est-ce tu fous ici ?, répartit Antoine.

— Aaah ! Laissez-moi ! Éteignez la lumière ! Éteignez tout !, hurla Jean-Jesus.

— Oh putain… Il déconne à plein tubes ce mec. »” (Louis Butin)


(Suite de l’histoire n°5) “Vers deux heures, Daisuke la réveille. Ils se sont connus à Tokyo, lorsqu'elle étudiait la biologie. Lui avait deux bars dans Golden Gai — le Cabaret, qu'il a vendu aux enfants Kagi, et le Serpent bleu, qu'il loue à une de ses cousines. Il a rouvert une maison de thé dans Nezu, y passe rarement plus de trois heures par jour.

— Travailler m'ennuie à présent, dit-il.

Il dort, il parcourt la ville, il s'occupe de ses poissons et, depuis le retour d'Etsuko, la regarde sans jamais s'en lasser. Il l'aime depuis qu'elle est apparue un soir, au Serpent bleu, le regard mauvais et des boutons sur le front — elle avait dix-neuf ans. Il l'aime assez pour pouvoir vivre sans elle, à l'abri de la peur — voire même, songe-t-elle, de la jalousie.

Elle l'épie qui se penche sur l'aquarium et fronce les sourcils, et parle aux poissons. Elle se rappelle soudain le singe dont elle a rêvé, de celui qui, une nuit, a tiré la bestiole, mourante, d'une cage et l'a conduit au bord du lac, chez Peony. Elle les a accompagnés, elle a gardé la main sur le torse du petit animal pendant tout le trajet, de peur qu'il ne s'arrête de respirer.

Elle a menti à Arrow — qu'elle aime ou pense aimer — jamais à Daisuke. Daisuke sait tout d'Arrow, lequel croit encore —

— Dai-chan, j'ai rêvé d'un singe vert et d'Enoshima.

— Tu voudrais qu'on y aille ce soir ? Il fait beau. On pourrait dîner sur la plage.

— Mais je travaille ce soir.

— Alors demain matin ? À moins qu'on ne demande à Sanghee de te remplacer ?

Sanghee est une des deux serveuses de la maison de thé.” (Dragon Ash)