lundi 26 mars 2012

TEAM ONE - PAGE 2 - FG

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 11 à 16 écrits par FG forme la page 2 de son texte.]

Sans plus attendre, je rentre à l'hôtel, j'allume mon ordinateur et je prends un billet de retour. J'ai le cafard, je veux rentrer. Le soir, je pense sortir, profiter quand même un peu de ce voyage. Mais il se met à pleuvoir, un orage violent et interminable. Je reste dans ma chambre, et je m'endors devant la télé. Je fais un rêve où je porte un costume de pompier, alors que des poissons rouges flottent autour de moi dans un vaste mouvement circulaire. De temps à autre, l'un d'entre eux s'arrête, me fait face, et me pose une question, toujours la même : « Où va l'arbre ? Où va l'arbre ? »
Je me réveille très brusquement, et j'éprouve une sensation de vertige, comme si je tombais très lentement dans un espace vide et infini. Je sais qui est l'homme inconnu ! Je revois l'audition, le spot qui m'empêchait de voir le jury. Est-ce mon rêve qui m'a rappelé ce souvenir ? À un moment, alors que je lisais mon texte, une dame vêtue d'une toge, une épée à la main, est passée devant le spot, et, l'espace d'une fraction de seconde, les visages de ceux qui m'observaient m'est apparu : une femme au cou très court, comme si elle essayait de faire rentrer sa tête entre ses épaules ; un homme obèse et barbu ; et Tristan Argus, le fameux réalisateur – l'homme que je cherche.
Argus ! C'est donc Argus ! Le réalisateur d'"Un poisson dans l'eau" ; de ce film dont j'ai oublié le titre, et dans lequel deux potes grimpent au sommet de la tour Montparnasse par les escaliers ; de "Papiers d'identité" ; tous ces films mortellement ennuyeux et immensément populaires. Argus ! Cet homme prétentieux, arrogant ! Ce scarabée à la carapace d'or ! Mais que peut bien voir Reinette en lui ? Pourquoi s'intéresse-t-elle à lui ?
Alors, soudain, je me souviens que je n'étais pas venu aux États-Unis pour y trouver Argus, mais dans l'espoir d'y voir Reinette. Serait-elle ici, à Los Angeles ? J'entends mon téléphone qui sonne – un autre texto.
Je bondis de joie et me précipite sur mon téléphone. Le premier texto m'avait donné les moyens de découvrir l'identité de l'inconnu ; celui-ci me dira peut-être où se trouve Reinette ! Mais ma joie se dissipe en une fraction de seconde. Je ne comprends rien à ce message : "Le mouton paît sous l'arbre à mains, le chat mange sous l'établi." Pendant quelques minutes, je fixe l'écran de mon téléphone, complètement découragé. Qu'est-ce que cela peut bien signifier ? Je vais revoir le premier message, dans l'espoir d'y trouver un indice – et soudain, j'ai compris ! Je sais où il me faut aller !
Le message précédent avait mis les premières syllabes en majuscules. En prenant les premières syllabes de ce message, on obtient : Moussart, Chablis. Reinette et moi (et trois autres amis) avions loué, il y a cinq ans, une maison tout près de ce village. Je garde un souvenir particulièrement heureux de ces vacances : nos courses pieds nus dans la neige, le petit feu d'artifice que nous avions improvisé avec des pétards, la pièce de théâtre que Reinette et Jean avaient écrite et jouée pour nous. Je n'ai plus de temps à perdre. Je ferme mes valises, je rends ma clé à la réception. Devant l'hôtel, un de ces taxis verts et orange de la compagnie 777 semble n'être là que pour moi. Je m'y installe et m'écrie : "To the airport !" Le chauffeur est haïtien, et quand il entend mon accent il répond, tout heureux de parler français : "Nous allons filer comme une flèche, monsieur !"
Le taxi démarre avec enthousiasme, mais doit ralentir dès que nous arrivons sur la freeway : un de ces fameux bouchons de Los Angeles. Bumper to bumper, nous n'avançons guère, j'ai tout le temps de réfléchir. De toute façon, mon avion ne part que dans six heures, je ne suis pas inquiet. Je repense à ce séjour en Bourgogne ; il y avait moi, il y avait Reinette, évidemment. Boulier aussi était là, et Cardinal, ce grand maladroit qui parle toujours à tort et à travers. Mais qui était le troisième ? Je réfléchis, je me gratte le crâne, rien à faire. Un blanc. C'est un nom en L, il me semble. Je réfléchis encore plus. Je revois la vieille maison tout entourée d'arbres, je vois la grande cuisine avec son énorme table de bois massif. Boulier, qui rit tout le temps ; Cardinal, qui nous insulte tous à tour de rôle et sans jamais essayer. Mais l'autre, le troisième ? Rien à faire, pas moyen de le replacer.

(à suivre)

FG