[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 32 à 36 écrits par Louis Butin forme la page 6 de son texte.]
Sa tête moutonnée dodelinait, indolente.
Il
fut pris d’une impression soudaine qu’il perdait sa portance sur l’air
et qu’il chutait brusquement. Il poussa un cri et écarquilla des yeux
pleins de frayeur.
«
Je ! Pardon ! pardon ! pardon ! Coralie, pardon ! Oh mon Dieu,
qu’est-ce que j’ai fait ? Que s’est-il passé ? », se lamenta-t-il,
confus, agitant lamentablement ses bras mollasses.
Puis il fixa le visage d’Antoine de toute son attention terrifiée.
« Qui es-tu ? Ô masque de mon ennemi !, lança-t-il.
— Eh oh ! Et toi, qu’est-ce tu fous ici ?, répartit Antoine.
— Aaah ! Laissez-moi ! Éteignez la lumière ! Éteignez tout !, hurla Jean-Jesus.
— Oh putain… Il déconne à plein tubes ce mec. »
Coralie mit ses poings à ses hanches et souffla un bon coup.
« Bon, je suis fatiguée là…
— C’est bien ce que je dis… On va le sortir de la maison, comme ça on sera plus tranquilles. »
Jean-Jesus s’agrippa au bras d’Antoine : « Pharaon ! Ô mon ennemi ! Les eaux t’engloutiront une seconde fois ! Ton peuple ira nourrir les poissons !
— Raah, putain ! Aide-moi à le faire bouger de là, dit Antoine entre deux efforts pour soulever l’intrus.
— Je veux bien essayer, mais pas comme ça… », fit Coralie.
Elle se tourna vers son ami et dit doucement :
« S’il-te plaît Jiji, je suis fatiguée… Tu crois que tu peux rentrer chez toi ?
— Non ! Je ne peux pas te laisser avec Pharaon ! Dieu va renverser ta maison !
— Bon allez, c’est simple, Coralie, tu choisis : ce mec taré ou moi. Si tu me choisis, on le balance dehors ou, même, on appelle les flics… »
Coralie se laissa glisser mollement contre le mur du couloir et se retrouva assise en vis-à-vis de Jean-Jesus.
« Ou alors, si tu ne peux pas prendre une décision, tu joues ça aux dés…, tenta Antoine.
— Je n’ai pas tellement envie de rigoler, tu vois ? En fait, j’ai plutôt envie de vous envoyer paître tous les deux…, gémit-elle.
« Bon, je suis fatiguée là…
— C’est bien ce que je dis… On va le sortir de la maison, comme ça on sera plus tranquilles. »
Jean-Jesus s’agrippa au bras d’Antoine : « Pharaon ! Ô mon ennemi ! Les eaux t’engloutiront une seconde fois ! Ton peuple ira nourrir les poissons !
— Raah, putain ! Aide-moi à le faire bouger de là, dit Antoine entre deux efforts pour soulever l’intrus.
— Je veux bien essayer, mais pas comme ça… », fit Coralie.
Elle se tourna vers son ami et dit doucement :
« S’il-te plaît Jiji, je suis fatiguée… Tu crois que tu peux rentrer chez toi ?
— Non ! Je ne peux pas te laisser avec Pharaon ! Dieu va renverser ta maison !
— Bon allez, c’est simple, Coralie, tu choisis : ce mec taré ou moi. Si tu me choisis, on le balance dehors ou, même, on appelle les flics… »
Coralie se laissa glisser mollement contre le mur du couloir et se retrouva assise en vis-à-vis de Jean-Jesus.
« Ou alors, si tu ne peux pas prendre une décision, tu joues ça aux dés…, tenta Antoine.
— Je n’ai pas tellement envie de rigoler, tu vois ? En fait, j’ai plutôt envie de vous envoyer paître tous les deux…, gémit-elle.
— Mais tu peux quand même pas nous mettre tous les deux dans le même sac !
— Si je peux.
— Coralie…, souffla Jean-Jesus.
— Cassez-vous… », gronda-t-elle comme l’orage qui couve au loin.
Les deux géants quittèrent, penauds, la maison de la jeune femme et s’en retournèrent chez eux.
Jean-Jesus, dans la maison adjacente.
Antoine, à l’hôtel Sheraton de l’aéroport.
***
À travers le mur, on entendait les ronflements de sa mère, longs, paisibles et profonds. Il rêvait à d’innombrables serrures derrière lesquelles on découvrait à chaque fois Coralie. Elle enlevait ses bas, coupait les ongles de ses pieds dans le bidet, dégrafait son soutien-gorge, prenait une douche, embrassait un homme, dormait en ronflant… Inaccessible.
— Si je peux.
— Coralie…, souffla Jean-Jesus.
— Cassez-vous… », gronda-t-elle comme l’orage qui couve au loin.
Les deux géants quittèrent, penauds, la maison de la jeune femme et s’en retournèrent chez eux.
Jean-Jesus, dans la maison adjacente.
Antoine, à l’hôtel Sheraton de l’aéroport.
***
À travers le mur, on entendait les ronflements de sa mère, longs, paisibles et profonds. Il rêvait à d’innombrables serrures derrière lesquelles on découvrait à chaque fois Coralie. Elle enlevait ses bas, coupait les ongles de ses pieds dans le bidet, dégrafait son soutien-gorge, prenait une douche, embrassait un homme, dormait en ronflant… Inaccessible.
On
percevait par les murs ou la fenêtre, étouffés, les sifflements des
avions. Il rêvait qu’il ouvrait ses boutons, qu’il la touchait autant
qu’il voulait ; il s’occupait d’elle avec l’avidité méticuleuse d’un
comptable à son audit. Il sentait le danger, le poison qui lui collait
aux mains, le parfum capiteux de tout cela. Il voulait fuir la maison.
Mais il ne faisait que se perdre dans le noir de ses couloirs, comme
sous le choc de la pierre, et après une nouvelle tentative de fuite, il
se retrouvait encore au pied du lit de Coralie.
Le
vent s’était levé et il huait dans les allées des résidences. Elle
voyait un grand arbre qui frémissait de toutes ses feuilles, tremblait,
sanglotait, et tous ses fruits clignotaient comme les loupiotes d’un
arbre de noël. Elle s’approchait de l’arbre et s’installait auprès de
lui, dans un tepee bien blotti contre les branchages. Les lueurs
colorées étaient filtrées par la toile, douces, rassurantes. Mais le
tissu s'amincissait en ces endroits et se laissait percer, et c’étaient
de moins en moins des lumières colorées et de plus en plus des yeux qui
clignaient, les yeux intenses de Jiji.
(à suivre)
Louis Butin
Louis Butin