dimanche 15 avril 2012

TEAM TWO - episode 15

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “"Tu ne veux pas jouer", énonce-t-elle très lentement. "Tu préfères penser à toutes ces petites choses auxquelles tu réléchis tout le temps et qui ne servent à rien, en espérant me jeter de la poudre aux yeux au dernier moment, feindre un sourire ou une larme et me regarder te pardonner et t'admirer mais non, ça n'est plus possible, ça ne marche pas comme ça, en déséquilibre permanent, alors que tu ne fais aucun effort." Il n'a pas tout écouté; il la regarde et se dit qu'il aimerait bien s'en aller. Il tente un sourire.” (Charles M)









(Suite de l’histoire n°2) “Mais le moine le tenait fermement par le bras, lui montrant acrobates, clowns et jongleurs, qui avaient voyagé depuis les cantons voisins, dans l’espoir de recruter dans leurs troupes les candidats malheureux qui, humiliés par leur échec, consentiraient à une vie de privation, de misère et de souffrances, sur les routes. Le premier candidat s’avançait déjà: un jeune paysan, torse nu, un pied noir tatoué sur l’épaule, qui adopta d’emblée la posture du tigre, et bondit, virevolta, se renversa, roula, cogna l’air, chassant mille ennemis invisibles avec une dextérité épuisante, qui ne sembla guère toucher le plus âgé des maîtres. Pieds Nuageux souffla que ce vénérable ancien était le célèbre Fi Chan, qui avait jadis mené la rébellion des lettrés contre l’empereur Tsui, et qui après cette jeunesse tapageuse, s’était converti, avec la même application, à la mollesse la plus intransigeante. Fi Chan piquait à présent du nez. “C’est un mélancolique qu’on nourrit d’herbes médicinales pour lui rendre le goût de vivre, mais cela a le principal effet de le faire dormir, à toute heure de la journée. Il s’endort aux proclamations d’édits, aux concours de poésie et aux cérémonies de diplôme.”” (David M.)






(Suite de l’histoire n°3) “Chère Maman que j'aime,

aujourd'hui est le bien grand jour ensoleillé et plein de stases où je prends mes fonctions à la tête du projet d'élaboration du jardin botanique. Pour faire simple, tu imagines un organigramme et je suis le nom que tu rencontres pour la première fois alors autant dire que je suis heureuse comme jamais je ne l'ai été auparavant et que je sautille sur place _ j'ai beaucoup de projets insensés en tête _ certainement car je n'avais jamais été jusqu'alors responsable de l’élaboration d'un jardin botanique ni au sommet d'un quelconque organigramme.
Je sais bien que tu as eu peur lorsque j'ai décidé d'abandonner mes fonctions dans la communication et je sais aussi ce tu penses : "Que fait-elle ? Pourquoi tout envoyer valser de cette façon ? Croit-elle donc autant en la chance pour qu'un lancer de dés ne décide de sa vie à ce point ?". Ne crois pas que je ne sache pas lire en toi, je l'ai toujours su et cela depuis toute petite que je le sais. Je te vois, je te sais. C'est aussi simple que cela.
Je tiens par cette lettre à te rassurer par ce message. J'ai bien conscience de tous les sacrifices que papa et toi avaient dû faire pour moi et je pense bien que l'INSCAMA a eu un coût certain pour vous deux et j'imagine assez aussi les sacrifices que vous avez dû faire pour moi et puis aussi je ne suis pas si sotte et j'ai des esprits. Mais je peux t'assurer que tous ces efforts n'ont pas été vains : je suis enfin heureuse et mes choix ont été les bons cette fois-ci. Tous. Sauf un.
Tu m'as souvent reproché mon sale caractère ainsi que mon inconstance : je ne me suis jamais aussi sentie cohérente et compétente et coronaire qu'aujourd'hui avec ce projet de jardin botanique aux chardons. Tu m'as toujours dit : "je te reproche ton sale caractère et ton inconstance". Je suis à l'équilibre. Je suis moi. Comme une feuille déposée sur une flaque et que le vent tourbillonnant ferait rouler comme une toupie. Comme un corps nu cornu.
Tu m'as dit un jour _ c'était un jour très précis de Chandeleur où tu m'as dit avec une crêpe au sirop : "tu n'es qu'une petite pute" et j'ai reçu cette remarque comme une flèche en plein coeur, ou comme une gifle, ou comme un acouphène, ou l'excavation d'un organe sensible comme une langue ou une autre muqueuse plus intérieure et je n'ai pas fini ma crêpe. Mais je la comprends aujourd'hui cette phrase ma maman. Alors j'ai fait une mue et je me suis transformée par magie. Tu n'avais pas la clé de moi. Je te déteste. Tu es la plus mauvaise mère du monde. C'est pour ça que je fais de la politique. Tu n'es pas ma vraie mère. Ma vraie maman elle est plus mieux jolie. J'ai été adoptée. Je préférerais n'être jamais née. Je préférerais prendre un avion et aller loin. Si j'étais vraiment ta fille, je souhaiterais assez que tu me tues sur le champ ou bien que tu me vendes à un homme dégueulasse et borgne et libidineux. Un homme dans le genre de David Lhomme. Même si David Lhomme n'est pas borgne. Ni libidineux. Non, David Lhomme, il n'a qu'un très mauvais parfum ambré. A cause de toi. A cause de tes erreurs _ Regarde moi_

_ Que retenez-vous ?
_ Je suis un mythe ancien.

A cause de tes actes manqués. J'ai foiré jusqu'à ma nomination à la tête du jardin botanique. Ils n'ont pas retenu mon dossier. J'ai demandé à ce qu'ils justifient leur décision. Ils m'ont ri au nez. Ils ont raccroché et j'ai tant pleuré. Je ne bâtirai jamais ce beau jardin botanique. Ils l'ont décidé. J'ai tout plaqué pour ça. C'en est fini et c'est de ta faute.Tu dois bien rire.
Je tiens par cette lettre à te tenir responsable de mon échec. Au cas où je me suicide. Je veux que tout le monde sache très bien que c'est de ta faute.
Alors pour me venger, je veux manipuler le monde pour t'atteindre à travers la foule : laisse-moi bâtir une nation qui ne soit pas toi. Tu n'as plus de pouvoir maman, tu n'as plus de pouvoir. Je peux enfin être certaine de te détruire. Je remonte deux générations. 1-2.

Ta fifille.” (Alban Orsini)

 

(Suite de l’histoire n°4) “De sol, de sol, parlons-en! Igor était toujours sur son siège, en train de développer toutes sortes de nouvelles perspectives. Le monde marchait à l'envers, c'était presque une certitude. Puis il se décida à défaire sa ceinture. Déverrouillage - Tourbillon - Scrabble - Lombaires - crac, c'est à peu près ce qui lui traversa l'esprit avant qu'il ne percute le plafond en une gamelle façon Commedia dell'Arte. Magie de la pesanteur, le monde prit un nouveau sens à ses yeux: l'en-haut était le bas et l'en-bas était le haut. Et ça bougeait, ça s'agitait! Il secoua la chevelure - de sa voisine assommée - qui lui tombait devant les yeux et contempla le capharnaüm. Pas perdus, pas pressés, pas promis, pas vu pas pris, on n'y comprenait rien tant ça s'agitait!
"Jamais un coup de dé n'abolira le hasard." Aux moments décisifs, certains chantent de vieilles mélodies sétoises. D'autres se réfugient dans de lointains souvenirs ou voient leur esprit traversé d'impressions fugaces, de morceaux de phrases. "C'est très joli" se dit-il encore alors que la porte de l'appareil s'ouvrait enfin et que l'eau s'engouffrait avec violence, emportant tout sur son passage... "C'est joli, mais c'est vraiment stupide comme dernière pensée"...” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “Ni Maya et ni l’homme ne décrochèrent un mot dans la voiture. Si le chauffeur de taxi les avait regardés dans le rétroviseur, il aurait aperçu des statues de cire au visage figé dans une expression songeuse, comme envoûtés par un sort. Le taxi s’éloignait lentement de l’aéroport et se faufilait entre les motos, les vélos, les auto-rickshaws et les quelques vaches qui avançaient tranquillement au pas au milieu de la route. La circulation s’éclaircit finalement et les passagers aperçurent un panneau indiquant : « Dolphin Hotel, 1 km ».” (Juliette Sabbah)