dimanche 1 avril 2012

TEAM ONE - PAGE 7 - Alice Bé.

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 37 à 41 écrits par Alice Bé forme la page 7 de son texte.]


Salomon la regardait, fasciné, les yeux perdus dans ses boucles blondes, aussi incapable de parler qu’une tortue retourner de se remettre sur ses pattes. Le soleil déclinant passait à travers les fenêtres du manoir, et donnait à la scène quelque chose d’irréel. Il aurait fallu que Salomon appelle un autre de ses élèves, pour savoir si le cours du lendemain était maintenu. Mais il ne voulait pas y penser, il ne voulait qu’une chose : se perdre dans cette lumière comme dans la plus noire obscurité.
– Figurez-vous, ma chère Griselda, que mon cousin Salomon est du même avis que vous. Il m’a dit, lui aussi, qu’un départ précipité serait absurde, et suspect. Tout bien réfléchi, je vais, pour l’instant, être d’accord avec vous. Il ne sert à rien de suivre un mouvement si l’on n’est pas sûr de ce qui le motive. Je ne veux pas attendre sagement que l’on me tonde, enfermé dans ma tour d’ivoire, mais je n’attends pas non plus que tous les problèmes du pays soient résolus d’un coup de baguette magique. Cette terre nous a donné beaucoup, ce gouvernement aussi, il serait bien ingrat de ma part de le laisser ainsi, à la première inquiétude.
En entendant le nom de Salomon, Griselda s’était tournée vers lui, et avait même semblé le reconnaître. Lui se perdait dans les nuages de ses yeux, indifférent à ce que disait son cousin. Il lui fallait, tout simplement, garder à tout prix ce regard dans le sien.
Alors, il parla :
- Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous, Mademoiselle. Je disais d’ailleurs tout à l’heure la même chose à ma voisine, Mme Cohen, qui craint déjà de voir son fils pendu à une branche d’arbre. Il n’y a rien à craindre du côté des autorités, et il ne faut pas céder à la panique. Que diable, nous ne sommes pas des moutons ! Nous n’allons pas retomber dans la malédiction du Juif errant de par le monde, jamais certain de trouver, à la nuit tombée, un toit au-dessus de notre tête. D’autant que ce toit-là, ajouta-t-il en montrant le plafond orné de fresques, n’est pas des plus désagréables…
David le regardait d’un air ébahi, comme s’il peinait à le reconnaître. Il est vrai qu’il était bien différent du jeune homme voûté qui tantôt s’appuyait à la cheminée en essayant de ne pas être vu. D’un coup de baguette magique, Salomon était devenu un homme plein d’assurance, au parler élégant, qui se tenait droit malgré son gilet un peu élimé. Mais il n’y avait pas que cela qui étonnait David. D’abord engourdi par la transformation de son cousin, il finit, avec un petit temps de retard, par se rendre compte de ce que ce dernier avait dit.
- Que dis-tu, Salomon ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire, Hershe pendu à une branche d’arbre ? Qu’est-il donc arrivé ?
La belle assurance de Salomon sembla s’effondrer d’un seul coup.
Son regard s’éteignit, son dos se courba. Giselda le regarda d’un air
interrogatif.
- Oh, ce n’est rien, vraiment, David, je t’assure. Tu connais Mme
Cohen, elle s’inquiète toujours pour un rien. Tu te souviens, ma mère
plaisantait toujours sur le fait qu’elle ne parvenait jamais à
terminer un livre, car à chaque fois qu’elle commençait une phrase,
elle se demandait où était Hershe et interrompait sa lecture, pour la
reprendre ensuite au même endroit ! Non, vraiment, hier soir elle se
sentait un peu seule, elle m’a invité chez elle, et m’a parlé, comme
d’habitude, de son garnement de fils qui est encore aller se fourrer
dans une situation compliquée…
 

 



(à suivre)

Alice Bé