lundi 16 avril 2012

TEAM TWO - episode 32


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Elle le regarde comme on la regarde d'habitude, dans la rue, avec ses cheveux roses et ses vêtements d'un autre siècle, comme on regarderait un extraterrestre. Elle a lu les mêmes livres que lui, parcouru les mêmes aéroports que lui, compté les mêmes moutons. Tout ceci, ils l'ont fait en parallèle, sans se voir, sans s'en parler, comme deux étranger regardant un même tableau dans un musée, côte à côte mais ayant l'un de l'autre une conscience périphérique. "Ce mec est complètement jeté" pense-t-elle à voix haute.” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Je suis une femme qui conduit des avions fabriqués par les hommes pour les hommes. Je quitte une terre d'hommes conçue par les hommes pour les hommes dans une machine pour atteindre un ciel conçu pour personne à la vitesse de rien mais supersonique, du vide, de l'abscons de l'obscure de l'intime du quiconque du quidam du qui quid de la transformation. Dans les nuages ouatés je glisse ma main dans la braguette de mon uniforme d'homme en coton satiné et caresse cette chose qui me fait femme comme une cicatrice de ce qu'ils croient, y enfonce, et aussi dans l'échancrure, des choses de choix. Dans l'éther, je suis femme, je n'appartiens à personne, à aucun monde, à aucune idée préconçue, et me tais : je me touche en criant une sorte de victoire qu'ici je sais pertinente. J'appartiens à une génération de femmes qui cherchent à prendre leur revanche de femelles primaires sur les ruines de siècles d'un machisme binaire et si j'étais lesbienne, je prendrais ma revanche sur des siècles de culture hétérosexuelle mâle et normée au plus juste mais au plus faux dans les faits car : l'homme comme la femme ne sont pas sécables, il y a évidemment tant de combats qu'on élude et qu'on élimine d'un trait de khôl. S'identifier ? Statues. D'un oeil je contemple mon reflet dans la vitre du cockpit _ en anglais, la bite se dit cock, cockbite_ et je me scrute à la façon d'un voyeur qui serait caché sous un pont et caresse en coupole ces seins qui me font femme alors que les stewards se baladent tout au long d'une carlingue turgescente et offensive, inutile, hommes conçus par des hommes pour des femmes dans des allers-retours qu'ils reproduisent dans les allées pour se reproduire : "un petit tour aux toilettes madame ?". Je sais les attributs, nous apprenons si bien des organes et des sucs qui les soulagent _ les femmes, hormis l'enfant _ et c'est bien assez _ ne se délestent que de trois fois rien : nous avons reçues de bien jolis cours, ils ont compris de bien graves choses sous forme de détours "ce métier n'est pas celui d'une femme", "tu n'es pas assez forte", "tu dois faire tes preuves" _ bien au delà des preuves des hommes : les femmes témoignent constamment, si hautes _ "si tu pleures, tu dégages". Se les geler pour prouver que l'on y arrive _ les footings sous moins 20 pour que les autres y croient et puis les entraînements et les petits vêtement qui serrent, qui pétrissent, qui malaxent comme pour s'habituer à leurs mains, déjà, prendre des leçons de la part de cons. Des leçons d'hommes conçus par les hommes pour les femmes qui ont des fonctions d'homme. Je suis une femme dans une fonction d'homme qui se touche comme une femme mais à la façon d'un homme.
Je serai bien une femme au foyer, je serai bien quelqu'un d'autre mais je commence à me poser des questions : je suis une survivante, je suis perdue dans une forêt immense conçue par un homme et je tente de subsister par un combat pour lequel je n'ai pas les bonnes armes.
Avoir des envies sur tout et tout le temps, s'arracher les ongles alors qu'une french manucure : je tire dans la jouissance le manche à balai devenu queue puis repique du nez : j'ai dans l'idée de me faire crasher comme un homme. Comme un seul homme. Je les emmène.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Quoi de neuf après la tempête ?
Mon premier est un contact râpeux, vaguement gluant qui vous tire la joue.
Mon second est la couleur indigo
Mon troisième est une douleur de tous les diables
Mon quatrième est l’impression de s’être laissé ensevelir dans un marais salant en plein soleil.
Il y a encore une chanson qui parle d’arbres, un visage derrière le hublot, une porte qui s’ouvre.
Mon dernier est une vague.
Mon tout n’est pas la mort. Ou alors on vous a menti au catéchisme. Ou alors c’est vraiment trop étrange. Même pour la mort.
La mort ne sent pas l’herbe, ni la merde, ni l’urine – quoique plus légèrement. La mort ne vous lèche pas la joue. La mort n’essaie pas de manger vous cheveux.
Ah, et si vous étiez mort, vous n’êtes pas sensé crier ni vous redresser non plus.

Vous ouvrez les paupières, l’indigo s’embrase en nuances de rougejauneblancbleunoir. Et à nouveau.
Est-ce la lumière divine, est-ce un éclair, la veilleuse de l’avion ou l’épée de feu, l’ange qui garde les portes d’Eden ?
Non.
C’est un mouton.” (Julien D.)


(Suite de l’histoire n°5) “Et d’ailleurs je n’avais pas l’intention de comprendre. Tout ce que je voyais, c’était que ce Boulier avait l’air dangereux. Ma mère avait appris très récemment qu’elle avait de la famille en Inde (ce serait trop long à vous expliquer là, maintenant, comment elle avait appris ça), et depuis cette découverte elle s’était piquée de spiritualisme qu’elle croyait en lien avec ses « origines ». C’était du moins ce que ma tante continuait de m’expliquer – elle ne voulait vraiment pas se taire. Je me suis demandé ce que ce Boulier, cette secte de charlatans pouvait avoir à faire avec l’incendie. Un crime qui s’avançait masqué ? J’avais pourtant la conviction que mon père n’était pas mort. D’où l’avion vers l’Inde et voilà que je tombe sur vous », conclut-elle en regardant fixement l’homme frisé. « Maintenant, je crois que c’est vous qui avez des choses à m’expliquer ». ” (Juliette Sabbah)