mardi 3 avril 2012

TEAM TWO - Episode 6

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “"Neuf!" s'exclame-t-il à moitié fasciné par son sens aigu de l'évidence. "On s'en fout complètement" répond-elle, de toute évidence un peu moins fascinée que lui. "Je ne cherche que la force picturale du point, et ne regarde que sa direction. Par exemple, ce six parallèle à nous et ce trois dont le tracé le croise à peine figurent une empreinte de pas. Ou bien tout autre chose. Il te faut envisager ça comme du marc de café; essayer de lire les figures sous les points." Il tente vaguement de se défaire de son air perplexe.” (Charles M)



(Suite de l’histoire n°2) “La prédiction de Pieds Nuageux eut tôt fait de se réaliser. La nuit tomba alors que la muraille extérieure du monastère demeurait invisible. De peur de se perdre, les deux compagnons de voyage s’arrêtèrent et cherchèrent un abri. Ils firent la découverte d’une cabane abandonnée que les plantes avaient envahie. Chan Li Poum s’endormit vite, les bras toujours engourdis par la rossée qu’il avait reçue. Il rêva de son avenir au monastère. D’abord, il triompherait sans peine de l’impitoyable sélection, destinée à écarter ceux qui ne seraient pas dignes de l’accompagner dans son apprentissage. Il se faisait fort de traverser sans peine toute épreuve, qu’elle fît de force, d’agilité ou d’habileté. ” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Il y a de nouvelles traces de pas _ deux mois pleins aujourd'hui, je continue de compter_ et il fallait être très observatrice comme moi pour les déceler tant ils prennent de précautions depuis qu'ils savent que je sais qu'ils savent. Ils proviennent de mon ancienne vie, j'en suis désormais persuadée. Je l'ai écrit sous une pierre ("Vous provenez de mon ancienne vie") et la pierre a disparu. Elle a été remplacée par une tortue mais je suis cauteleuse et pas trop idiote alors les permutations grossières...
"Vous provenez de mon ancienne vie", j'ai voulu l'hurler, mais mes cris, pour des raisons qui échappent à ma raison, meurent toujours et encore au niveau de la glotte.
Il existe une justice pour tout et pour tous : que croient-ils ? Qu'ils ne payeront pas pour ce qu'ils ont fait et ce qu'ils font ? Ils m'observent, ils nous observent. Au-delà des traces de pas, il y a l'impression constante d'être épiée, scrutée, et les autres signes plus subtiles comme des oiseaux qui passent effrayés ou bien des fleurs étrangement couchées comme si quelqu'un les avaient dérangées dans leur croissance. Ils rejettent le développement et cela sous n'importe quelle forme. Ils s'opposent à l'apprentissage ainsi qu'à l'érudition. Ils proviennent de mon ancienne vie, j'en suis persuadée

("Vous provenez de mon ancienne vie") :

j'ai reconnu une de leurs odeurs, celle de David Lhomme, mon ancien directeur financier. Son parfum ambré ne me trompe pas. Je n'ai jamais supporté son parfum ambré. Je le lui ai toujours dit : "Je ne supporte pas votre parfum ambré que je ne supporte pas". Il est bien ici avec moi. Il doit y avoir une tour, une guérite, depuis laquelle ils étudient mes faits et gestes. David Lhomme m'y scrute et il s'asperge de son parfum ambré que je ne supporte pas. Ce petit pont d'ailleurs ne me parait pas net. Il cache quelque chose, quelque pièces secrètes depuis lesquelles ils élaborent des tests. David Lhomme est fourbe et l'a toujours été... Il est le genre d'homme à se cacher dans les pièces secrètes d'un pont menteur. La survie en forêt n'est pas si douce: il me faut trouver à m'échapper au plus vite. Si vous lisez ceci, vous savez ce que je dois faire.” (Alban Orsini)



(Suite de l’histoire n°4) “Auprès de mon arbre, je vivais heureux !" — Et soudain, ce fut comme une illumination, un éclairage mental qui eût fait pâlir d'envie à la fois Edison et Archimède : l'avion est sous l'eau, certes, mais pas forcément si profondément qu'il serait impossible d'en sortir ! Inutile de jeter l'éponge, d'abattre votre roi, comme on le fait aux échecs. Après avoir éteint votre voisine, vous hurlez aux passagers survivants "il faut sortir ! il faut sortir !" — Plus choix culinaire du requin sera grand, plus chacun aura individuellement des chances de s'en sortir. Comme l'avion est à l'envers, vous voyez des traces de pas au plafond. Plus tard, ce sera le moment d'enquêter sur les causes de l'accident, de comprendre comment la carlingue de l'avion a pu restée intacte malgré la violence du choc, plus tard ce sera le moment de décompter les morts et de fleurir leurs tombes. Pour l'instant, la question est de savoir comment survivre. Comment sortir de cet enfer. C'est alors que vous repensez à Bruce Willis dans "Un piège de Cristal"...” (008)



(Suite de l’histoire n°5) “Puis une loupe. Elle se baissa, s’empara du pied gauche du voisin toujours évanoui, retira la chaussure puis effectua une brève torsion du gros orteil. L’effet fut immédiat : l’homme ouvrit un œil, puis deux. D’abord vaguement éteint, son regard s’éclaira ensuite tout-à-fait. Il la fixa. « Le Boulier… ? » murmura-t-il, et encore quelque propos fleuris qu’elle ne comprit pas. C’était donc ça ! Le Boulier la suivait-il jusqu’ici ? Il lui suffisait d’avoir échappé à l’incendie… « Je ferais mieux de sortir d’ici avant que cet avion ne percute un immeuble » se dit Maya, constatant que l’appareil filait droit vers le sol. Elle se leva en tentant de conserver son équilibre. ” (Juliette Sabbah)