lundi 16 avril 2012

TEAM TWO - episode 34


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Il verrouille la porte de la chambre, appuie sur "do not disturb", recouvre l'aquarium d'un peignoir de bain et éteint les lumières. La lune s'est cachée derrière une tour toute proche, remplacée par un néon rouge qui éclaire la pièce par intermittences depuis la rue. Il la rejoint sur le lit et la prend dans ses bras, veut lui dire quelque chose de gentil mais s'endort avant d'y parvenir.” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Pourriez-vous vous présenter ?

(présentation de la prévenue  : inaudible). Puis, reprise :

Je suis une femme que vous allez mettre en prison. Je le sais. Je le vois à la façon dont vous me jugez d'ores-et-déjà du haut de votre chromosome Y tronqué à partir de mon X qui vous fait cette petit tribune de juge ridicule. Ce soir, je le sais, je dormirai dans une cellule aux bords étroits et tranchants comme des lames et je pleurerai mais ne regretterai rien dans un tout petit lit d'enfant. Dans cette prison courront des rats et je serai une femme dans un environnement d'hommes créé par des hommes pour les hommes et les rats. Seulement pour eux. L'homme ne bâtit rien pour les autres, seulement pour eux-mêmes et les rats. Les rats serpenteront dans des petits trous de rats et emprunteront des canalisations d'hommes, des canalisations d'hommes qui parviennent en serpentant vers les douches des femmes ce qui permettra aux rats de parvenir en serpentant vers les douches des femmes, là, très justement, où les rats aiment à pulluler. Dans le rigoles. Les poubelles. Les hommes font en cuisine un gruau pour les hommes et les femmes que les rats adorent mais que les femmes abhorrent alors les femmes régurgitent le gruau fait par les hommes et se le transmettent. Le gruau régurgité est de nouveau avalé puis une nouvelle fois vomi pour former, à la chaîne, une tempête, de celles qui plaisent encore plus aux rats que le gruau initial fait par les hommes pour les hommes et les rats. Voilà pourquoi ils aiment tant les douches des femmes. Pour cette tempête faite par les femmes à partir du gruau fait par les hommes. Ce soir, la porte de ma chambre sera fermée d'une serrure elle-même sur une porte qui appartiendra à une autre chambre elle-même fermée d'une serrure. Chacune des serrures n'aura pas la même clé que l'autre et quelqu'un dira "c'est de bons sens". On me donnera un gruau que je serai la seule à transformer de ma salive mais ma tempête sera déjà des plus impressionnantes. Elle fera trembler les murs. Puis je m'endormirai facilement car cela sera ma première nuit mais ensuite je ferai des cauchemars, ça sera inévitable. Je penserai à tout, à tout ce que j'ai fait, à tout ce que je n'ai pas fait, à tout ce que j'aurais pu faire. Je penserai beaucoup comme un homme pense qu'une femme pense mais je penserai surtout comme une femme, bien loin de ce que les hommes pensent que les femmes pensent. Je dirais bien que mon geste est un geste de femme forte qui a réussi à réussir et à montrer qu'une femme pouvait combattre les hommes sur leur propre terrain mais on me rétorquera que c'est facile. Alors je leur dirai pour l'idée des rats. Et du gruau qui forment des tempêtes et de la force de ces dernières.

(les propos sont incohérents. La cour ne vous comprend en rien. Merci de préciser les mobiles de votre acte.)

Je ne suis pas claire, c'est ça ? Donc : imaginons l'espace d'un instant qu'une femme puisse être perdue dans une forêt. Imaginons l'espace d'un instant qu'elle se pose et qu'elle se mette à considérer cette forêt et la façon d'y survivre. Qu'elle pose ce regard sur les arbres et la mousse qui courent sur leur écorce en leur Nord. Elle prendra peu à peu conscience, c'est certain, qu'elle n'est pas seule. Elle deviendra paranoïaque. Elle divaguera. Puis elle se mettra à considérer cette forêt différemment . Comme un personnage à proprement parler plus qu'un décor. Cette forêt deviendra plus que symbolique : elle sera une deuxième femme. Une forêt, c'est très vaginal. Elles seront alors deux. Personne ne sera sale. L'innocence de l'une rattrapant la culpabilité de l'autre. Puis, imaginons l'espace d'un instant qu'elle devienne cette forêt. Que les deux deviennent une. Qu'elles invoquent le pouvoir des tempêtes et qu'elles utilisent le gruau des hommes pour renverser le monde créé pour les hommes par les hommes. Et bien nous comprendrons vite qu'elles n'auront plus besoin d'eux. Que l'homme sera vain. Qu'il disparaîtra. Et ce sera la fin de l'humanité.

(reprenez s'il-vous-plaît. Reparlez-nous des rats. Qui sont-ils ? )

Les rats ne comprennent rien de la chose du gruau que font les femmes du gruau des hommes pour les hommes et seulement eux. Ils ne savent qu'une seule chose : c'est qu'il est bien meilleur lorsqu'il sort de la bouche des femmes à la manière dont le miel sort des mandibules des abeilles mais qu'il s'agit de tempêtes. Les tortues ne produisent rien, elles. Elles n'ont ni bouches, ni mandibules : que des becs. Elles sont inutiles comme des petites filles. On peut les éliminer, elles ne manquent à personne. Mais lorsque l'on parle des femmes, on oublie ce qu'elles valent parce que les hommes leur ont donné une valeur qui ne correspond à rien. Comme une étiquette autocollante. Et c'est devenu une vérité. Pourtant. L'homme s'est contenté d'émettre une hypothèse qui concerne la spécificité physique des femmes et leurs capacités à enfanter et il s'est arrêter là, distrait qu'il était par l'attrait que représentait l'élasticité sanguine de son propre sexe. La femme telle que pensée par l'homme, n'est qu'un blanc-seing. Balancer un avion, tuer tous les occupants, où les envoyer dans des tours, ça redonne une dimension au choses du monde, à ce monde fait par les hommes pour les hommes contre les femmes. Et s'il faut en passer par les rats, et bien j'en suis. Je suis là. Je suis prête pour le gruau. Je suis plus que jamais prête pour la tempête.

(l'audition est suspendue pour cause de terrorisme et discours limite.)” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Passablement énervé par cet ovin à la léchouille facile, vous prenez le risque de lui détourner le museau d’une tape agressive. Visiblement vexé de voir son goûter se rebeller, l’animal vexé décide d’importuner la jeune fille qui somnole encore à vos côtés. La lumière n’en finit pas d’aller et de venir, miroitement intempestif à la crête des vagues qui laisse apparaître dans ses reflux cotonneux la petite plage de cailloux envahie par les naufragés. Il y a ce grand type qui s’est levé et qui regarde les silhouettes évanouies comme le berger regarde son troupeau et vous comprenez vite que vos rêves de Bruce Willis risquent de tourner court si un concurrent se déclare. Après tout, c’est bien vous qui avez sauvé tout ce petit monde en ouvrant la porte. Sans votre geste, la situation aurait rapidement dégénéré. C’eût été dommage de mourir brulé sous la mer. Un peu plus loin, une petite fille s’est réveillée. Elle joue gentiment avec sa poupée, chiffon trempé qu’elle rince à grand renforts de câlins. Elle a besoin de vous. Ses gestes vous appellent, comme les soupirs de cette petite foule endormie, c’est de vous qu’ils rêvent, c’est votre prénom qu’ils murmurent dans leur sommeil. Chaque serrure appelle sa clef, vous connaissez votre job, ça y est, déjà, vous êtes un héros.” (Julien D.)


(Suite de l’histoire n°5) “Le récit de Maya avait duré longtemps. Beaucoup trop longtemps et elle n’aurait pas été étonnée si son étrange compagnon s’était soudain endormi au milieu d’une phrase. Au lieu de cela, il avait l’air tellement intéressé que ses yeux envoyaient des éclairs. Mais il paraissait soudain cadenassé dans un silence mutique. « C’est le monde à l’envers ! » lui cria Maya dans les oreilles. « Vous m’envoyez des signaux effrayants qui me rappellent l’incendie, vous m’entraîner dans un hôtel décadent, et vous ne me donnez même pas une clé pour comprendre ! Au contraire, c’est moi qui dois faire d’ambiance ici comme si on était en discothèque ! »” (Juliette Sabbah)