dimanche 1 avril 2012

TEAM ONE - PAGE 7 - Dragon Ash

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 37 à 41 écrits par Dragon Ash forme la page 7 de son texte.]

Un œil lui rampait sur la jambe, un œil vert vif. C'était le nerf optique, proprement coupé, qui permettait à la chose d'avancer. Arrow était plus intrigué qu'horrifié : cet œil, était-ce celui de Deirdre ou le sien ? Le sien, comprit-il lorsque le curieux reptile lui sauta au visage.
— J'ai vu du pays, murmurait, derrière son nez, une voix qui n'était pas exactement la sienne.
— Dis-moi ?
L'œil impatient ressortit de l'orbite et lui coula le long de la joue.
— Tu te fiches de moi, saleté.
Entre le pouce et l'index d'Arrow, la créature se tortillait. Le docteur amusé reconnaissait les détails de son globe oculaire gauche, tel qu'il l'avait souvent observé dans la salle de bain : l'iris où le vert gagnait assez clairement sur le jaune et le brun, la petite tache noire près de la pupille, la veine minuscule qui frôlait le bord de l'iris. Arrow portait la main à son orbite vide et en sortit une bille de terre cuite. L'œil se métamorphosa : c'était un singe minuscule qui martelait de ses poings infimes la paume d'Arrow.
Nom de Dieu, soupira Arrow éveillé et ne se souvenant que trop des piaillements furieux de la créature. Il alla s'étendre sur le canapé, soudain désireux de retrouver ce compagnon dans le sommeil. Sur la moquette, son téléphone se mit à vibrer, progressant à chaque sonnerie d'un bon demi-centimètre. Il ne tendit pas le bras — et resta un long moment à contempler, sans pouvoir dormir, les progrès de l'orage nocturne sur les canyons.
Arrow s'était toujours trouvé à son aise au labo. La ville ne lui manquait pas. Si nombre de ses collègues ne tenaient pas plus de deux ans, il n'imaginait guère plus l'existence hors du désert. Quand il en aurait fini avec les brebis mutantes, il s'achèterait un mobil-home et s'installerait à Blanding ou — s'il en avait les moyens — à Moab. Ou pourquoi pas chez Peony, histoire de pourrir avant l'heure, les os rongés par les radiations du lac ? Le passage de la comète Etsuko changeait-il les choses ?
Une auto passa dans le lointain — non, un car, un long car scolaire repeint en blanc. Hunter était parti chasser, sans doute. Ou dormir au pied d'une mesa. Ou, qui sait, trouver une fille vers Moab.
Pas sûr. Il y avait deux Arrow. Un qui se voyait mourir un soir d'été sur les rives de Purity Lake (Peony, Hunter, roulez mon corps dans une couverture et laissez-le au fond d'un canyon, il nourrira les bêtes) des années plus tard, l'autre qui revenait au monde dans le sillage d'Etsuko. Elle ne reviendrait de son étrange voyage, se disait celui-là, que pour arracher Arrow à son endormissement. Ces deux Arrow se superposaient sans lutte.
Il finit par se lever, sans trop savoir que faire. Travailler, descendre passer la nuit au labo ? Il n'était même pas minuit. Il regretta vaguement d'avoir cédé sa télévision au stagiaire du labo des singes. La nuit était propice à l'abrutissement. Il ramassa son téléphone, sur l'écran duquel figurait trois mots. Appel manqué, Hunter. Lequel n'avait pas laissé de message. Et sur l'ordinateur ?
Nom de Dieu, Etsuko.
Il se moucha. Son cœur battait très bruyamment et sur un rythme qu'il trouva curieux : bambam bam bambam bam. Que n'avait-il la force d'effacer le message sans le lire ! Il vit son visage se refléter dans les zones plus sombres de l'écran. Le nom de Kagi Etsuko lui grattait la joue. Il se pencha, les lettres grossirent jusqu'à perdre leur sens. Il se rappela du jour où Hunter et lui l'avaient emmené dans Pollock Canyon. Au fond du trou, il y a une mare minuscule et deux arbres aux feuilles rougeâtres. Ils avaient bu de la tisane de champignon et, couchés en étoile, regardé le ciel jusqu'à y voir l'un un trou, l'autre un monde tournoyant et la troisième — on ne sut : elle se tut.
"Arrow, rêves-tu comme moi du singe ? Si oui, que te dit-il ?"
Etsuko, chère Etsuko. Ai-je rêvé du singe ? Oui. Et mieux encore je l'ai vu. C'est Xue, tu sais, celui qu'on avait enlevé au labo et conduit nuitamment chez Peony. Il se porte comme un charme maintenant. Je l'ai vu hier. Et j'en ai rêvé mais je ne te dirai pas sous quelle forme mon Etsuko. Comment vas-tu ? Je pense à toi sans cesse s'il faut être franc. Pourquoi cette question ? Pourquoi si directe ? Ça va te sembler idiot (il médita longuement sur ce mot ; ses doigts tapaient de travers) un peu bête.
Il ferma les yeux. Une pluie d'étoiles verdâtres et molles traversa ses paupières.
Etsuko j'ai l'impression t'écrivant ces niaiseries de me projeter à nu et sans os, sans carapace, dans un espace incertain, de n'être plus qu'un ectoplasme amoureux qui te recouvre de son infecte et nauséeuse gelée j'ai le sentiment de t'étouffer, mon amour. À distance. Tu as bien fait de partir.
Je ne sais pas ce que m'a dit le singe, je ne m'en souviens plus. T'a-t-il parlé, à toi ? Ta question me terrifie à vrai dire. C'est idiot mais ne vaudrait-il pas mieux que nous continuions à nous parler par énigme ? Sans quoi l'éloignement est une trop grande douleur. Dis-moi. Dis-moi si je ne te pèse pas trop.
***
jeuvousai parlai ssert maileumoin konpuhiss dir ssaikeu vounantandai pa nilain nilotr sseuki meudonn apanssai keuvou savai beusouhain dainrapor plunahiff avaik votraitr jeuneu di papraufon karvou nannanvai plude lapraufondeur maidumouhain aintim ssa voukaunaissai ain ? aintim alaur maitaivou anu daipouyaivou daisarm deula maudairnitai vivai ainnainstan komeulai baitt aimai aimai annaiteuvou kapabl ?




   
(à suivre)

Dragon Ash