dimanche 15 avril 2012

TEAM TWO - episode 13

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Ni la vue sur la ville, obérée par l'immeuble voisin, ni les mouvements doux des poissons d'ornement ne masquaient le blanc qui frappait sa pensée. Si seulement son téléphone pouvait sonner. Peut-être s'endormirait-elle, s'il attendait assez? C'était certainement mal la connaître. Un nouveau mouvement traversa son champ de vision sur la droite et lui offrit une sortie: "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc?" s'écria-t-il en faisant un grand geste imprécis.” (Charles M)


 
(Suite de l’histoire n°2) “Tandis qu’ils s’entretenaient avec les serviteurs de Messire Sen, Chan Li Poum et Pieds Nuageux virent apparaître, devant eux la muraille extérieure du monastère, parée de drapeaux portant les couleurs de l’Ecole du poisson. Une trompette sonna et le faubourg endormi sortit e sa torpeur. es affiches annonçant la joute jonchaient la route. Amateurs, disciples, apprentis et serviteurs étaient autorisés à se présenter, même si cette égalité devant le concours, tant vantée par les administrateurs et les magistrats était un leurre, tant nombreux étaient les candidats que leurs parents, depuis le plus jeune âge, avaient préparé en secret à ce moment, leur payant maîtres, écoles, séjours de perfectionnement du souffle - autant de moyens de percer les secrets du gongfu avant même d’être autorisé à apprendre cet art ancien.” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Le projet audacieux de jardin botanique possède un cahier des charges des plus rigoureux qui mériterait même un schéma mais malheureusement je ne sais pas faire de schémas, non, moi, je ne sais faire que me repérer avec la mousse sur les troncs d'arbres, mousse qui, comme tout le monde le sait, point vers le nord, comme des seins turgescents.

Le plan principal reprend celui du jardin botanique royal de Kew à l'ouest de Londres mais bien entendu les dimensions ont été adaptées et certains espaces complètement revus (la faute en incombant évidemment à une différence de moyens qu'il n'est ici légitime que d'évoquer). Pour les mêmes raisons, bien qu'en projet, nous n'avons pas encore la possibilité d'ériger de bâtiments à proprement parler mais nous pensons toutefois fortement construire une serre tropicale pour y entreposer des essences rares et fragiles et des rhododendrons et des pélargoniums et quelques orchidées car tout le monde aime les orchidées comme tout le monde aime les animaux cuits et des espèces incroyables de nénuphars que l'on ne verra que dans notre jardin botanique et dont nous serons très fiers.
C'est un immense honneur que vous m'avez fait en me confiant ce projet. D'autant qu'il m'inscrit à longs termes _ ah ah. Et c'est aussi une façon de reconnaître sincèrement mon talent que de me mettre à la tête de cette lourde entreprise colossale si lourde en responsabilités lourdes.
Ce qui est sûr en tout cas, c'est que ce nouveau jardin botanique disposera, et je vous en fait la promesse solennelle ici même, d'un lac et que l'on y trouvera une flore ainsi qu'une faune des plus fascinantes. Et qu'il n'y aura pas de meilleur endroit pour se sentir inspiré. Et que l'on y sera si bien que l'on ne voudra jamais plus en partir. Qu'il s'agisse d'amphibiens, de poissons, d'échassiers, d'insectes : je veux que le visiteur soit sans cesse stimulé par une nature débordante et qu'il prenne conscience de l'importance de la sauvegarder comme les beaux souvenirs. Ce lac servira à cela et non pas comme tous les autres à simplement s'y contempler.

_ Aimez-vous les gens ?
_ J'aime beaucoup les animaux...
_ Parlez-nous de vous...
_ Je suis une et indivisible... j'aime pourtant les comparaisons... je dois être dans la contradiction permanente sinon je me fane.

Gunneras, séquoias, eucalyptus et des liquidambars pour le ludique et les enfants car j'aime les enfants comme j'aime les comparaisons et la conjonction "comme" qui résonne comme "gomme", la sève, le glaireux, le sperme, le foutre, la descendance, l'infanticide voire l'encise pour peu que l'on se sente en veine, arracher quelques organes encore sanguinolents, mettre des mains dedans, les montrer à maman_ mais là n'est pas la question, voyons. De plus, je pense dores et déjà ce jardin comme une prolongation de l'urbanisation : je ne veux en aucun cas cacher les bâtiments _ non, non_ et j'ai la ferme intention bien au contraire de les intégrer à la luxuriance des espèces végétales, cette dernière ne devant pas nier ou bien s'opposer à la première. C'est bien d'une globalité dont il s'agit, une harmonie.Tout au plus interdirai-je les téléphones portables pour ne pas trop interagir avec le calme que j'essayerai d'y instaurer par une architecture florale adéquate. Mais pas de barrières, ni de cadenas : tout devra être ouvert comme un cœur qu'on admire lorsqu'il cesse de battre.

_ Avez-vous honte ?

Je veux faire construire un pont au centre du lac. Un pont qui reliera le monde des morts à celui des vivants. Des choses se cacheront dessous comme des esprits ou des goules. Oh non, je sais, un ankou ! Sous ce pont, je veux que les souvenirs se perdent. Je veux m'y perdre. Avoir l'impression de me réveiller dans une forêt et y évoluer dans une éternité ouatée.” (Alban Orsini)



(Suite de l’histoire n°4) “Elle avait réservé ses heures à ses regrets, retranchée dans sa tour d’ivoire, au tout dernier étage de sa chambre, son gynécée. Elle s’était trouvé un parcours intime, pictogramme de l’abandon qu’elle traçait de ses pieds ; un cercle parfait délimitant son bocal qu’elle emplissait de la fumée acre de ses cigarettes. Téléphone en berne. Les Questions avaient déserté Greta, ces sales nuisibles avaient rampé sur la moquette et envahi les murs. Elles avaient séchés ses espoirs à la paroi, efflorescences en motifs de papier peint. Seuls quelques scarabées particulièrement caparaçonnés tentaient encore de l’approcher. Impudents, ils se faisaient sauvagement piétiner. Plus de questions pour Greta, elle enferma les dernières Interrogations à double tour dans une boite, y mis un cadenas et rangea le tout dans un coffre qu’elle avait au mur, là où se trouvaient déjà son chéquier, une poignée de dollars et la carte de crédit de Nils.
Le Fantôme des anniversaires passés, vieille femme décatie, vint relever sa jupe devant elle. Elle contempla le désastre, se plongeant avec délices dans des souvenirs qui faisaient mal, s’affalant enfin sur le canapé avant de pousser plus loin ses explorations douloureuses sous le scalpel du sommeil.” (Julien D. assure l’intérim de 008)





(Suite de l’histoire n°5) “Maya et l’homme (qui, le réalisa-t-elle, ne s’était toujours pas présenté) sortirent de l’aéroport international. Ils écartèrent plusieurs rabatteurs de taxi en faisant mine de ne pas parler anglais et se demandaient quel moyen de transport emprunter, quand le portable de l’homme se mit à sonner. Il pâlit soudain, frissonna violemment (il devait pourtant faire 50 degrés dehors) et empoigna comme instinctivement son médaillon scarabée.  « Vous ne répondez pas ? » demanda Maya, soudain inquiète. L’homme sembla se reprendre un peu et sortit le téléphone de sa poche. Une voix résonna, métallique, même Maya pouvait l’entendre. « Vous vous rendrez à l’hôtel du Dauphin pour y passer la nuit », distingua-t-elle nettement.” (Juliette Sabbah)