dimanche 15 avril 2012

TEAM TWO - episode 11

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Elle reprend: "Le quatre se juxtapose au cinq pour indiquer un manque, une étape à franchir, peut-être une perte à surpasser." Il soupire discrètement. "Le quatre, c'est l'univers légal et froid des abstractions mathématiques. Le point du cinq en fait un visage, lui apporte une âme. Qu'est-ce que tu crois que cela signifie?" Pris de court alors qu'il rêvassait tranquillement à ses options pour le petit déjeuner, il inspire bruyamment.” (Charles M)



(Suite de l’histoire n°2) “- Oui! Le connaissez-vous?
- Je connais son école, à défaut de le connaître, lui. Tous les bacheliers de la préfecture de Shaoshe ont reçu cette clef quand un plan de rigueur décidé par Messire Chen a imposé la fermeture de leur école. Cette clef est une compensation: elle leur permet de dormir dans tous les monastères, même s’ils ne sont plus eux-mêmes rattachés à un monastère.
- Pourquoi leur monastère a-t-il été fermé?
- Un rapport commandé par Messire Chen avait conclu que le gongfu du scarabée n’était pas assez performant. Les poètes furent mis à contribution pour ridiculiser cet art ancien, le comparant tantôt à un éclair qui roupille, tantôt à un poisson couché sur une plaque chauffante. C’était une école trop vieille pour plier sous le vent mauvais: elle tomba d’un seul coup. Un matin, un greffier vint et, avec un pinceau plus grand que lui, traça cette proclamation sur le rempart extérieur de l’école du scarabée: “Ecole fermée. Boursiers: recevez votre congé! Bacheliers: recevez votre clef d’or! Maîtres: recevez notre reconnaissance! Signé: Messire Chen!”. Les économies obtenues furent consacrées à nourrir le trésor des fonctionnaires qui avaient rédigé le rapport.
Chan Li Poum n’écoutait déjà plus depuis un petit moment, son attention sincère ayant laissé la place à un ennui tout aussi sincère, et à l’intuition que ces boursiers devaient, quelque part, avoir mérité leur sort.” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Et je me suis réveillée avec cette étrange impression chevillée au corps que je venais de faire le plus triste des rêves, un rêve de mort, un rêve de pas finie. Une ébauche :

_ Au fusain ?
_ Une sanguine !
_ Montrez-moi...

La tête dans un étau comme si je l'avais plongée tout entière dans le réacteur d'un avion : hachée menu menu.

Je me souviens à peine de ce dont il s'agissait. Je crois que j'ai rêvé de mon ancienne vie. Ou tout du moins d'une partie de mon ancienne vie. Une vie dans laquelle je ne grandissais que par et pour le travail, un métier qui me tuait au fur et à mesure, une mesure qui étriquait dans un bocal, un récipient qui conscrivait, constrictor comme un serpent, un serpent mortel. C'était un cercle et dire qu'il était vicieux n'est que facile.
C'est qu'il m'en a fallu du courage pour ouvrir les yeux sur ma condition, en juger l'aliénation et encore plus pour décider d'en sortir. C'est pourtant ce que j'ai fait. J'ai démissionné. J'ai claqué la porte. Sans rien prendre de plus que ce qui m'était dû. Solde de tout compte, au revoir. Il n'y avait pas à se poser de questions. En un éclair. Merci, c'était bien, mais plus jamais.

_ Ne vous retournez pas.
_ Suis-je Thésée ?
_ Non, Cerbère.

Et embrasser sa nouvelle vie, vouloir y mordre à pleines dents. La vivre ardemment : qu'elle me consume, qu'elle me consume : elle me fascine !

Et je suis devenue paysagiste.” (Alban Orsini)



(Suite de l’histoire n°4) “... Mais ce n'était pas un piège de cristal, c'était un avion échoué, tourneboulé et partiellement en feu. Que ferait Bruce ? Que ferait Bruce à ma place ? —  La réponse est en toi, petit scarabée, la réponse est en toi ! — Alors vous expirez un grand coup, et vous faites les vide. Oui, au milieu de cette apocalypse submergée par les flots, vous faites le vide :                  . Eureka ! L'éclair de génie tant attendu vous tira de votre état quasiment nirvanique, dont le constat en bonne et due forme eût pu vous faire passer d'un coup quatre ou cinq dan de méditation bouddhique. Entre le feu et l'eau, il y a toujours eu incompatibilité d'humeur. Vous n'étiez pas un poisson, c'était une certitude, mais au moins vous saviez nager. En revanche, votre expérience de viande à rôtir était plutôt limitée, pour ne pas dire nulle : tout au plus vous étiez vous un peu brûlé la main, un jour, en écrasant un mégot dans votre paume (mais ce n'était pas le moment d'essayer de vous demander pourquoi). Une rapide évaluation de vos chances de vous en sortir, calcul qui aurait une fois de plus prouvé la supériorité du cerveau humain sur la machine, si toute fois il avait pu être constaté en bonne et due forme, cette rapide évaluation vous révéla que vos chances de mourir étouffé étaient aussi grandes dans un incendie que dans un océan, mais que le feu comportait des risques supplémentaire, alors que prendre la mer ouvrait des chances de survie. Votre décision était prise, un chef était né. Vous hurlâtes "debout, moussaillons, debout, naufragés, écorchés, chair fumante ! l'eau seule nous libèrera : elle nous libèrera par la mort ou par l'air ! venez tous derrière moi, j'ouvre les portes du salut!" Nerveux, en dépit de votre inspiration quasi-prophétique, chantonnant encore la chanson de Brassens pour vous donner du courage, vous ouvrîtes la porte de l'avion... ” (008)



(Suite de l’histoire n°5) “L’homme frisé fit une légère pause, puis reprit tout en triturant machinalement son médaillon-scarabée : « Souvenez-vous, il y a quelques heures. Nous venions de dîner, et… » « Dîner, parlons-en », répliqua Maya. « Ce poisson infect m’est resté sur l’estomac ». « … et je dormais profondément. Enfin, du moins, en apparence. Les turbulences ont commencé et c’est alors que j’ai déclenché le bruit d’insecte ». Il appuya sur son scarabée. BZZZZZZZ ! Maya se boucha les oreilles. Pourquoi ce vrombissement lui rappelait-elle l’incendie ? Instinctivement, elle chercha son talisman dans son sac. « Vous avez encore bien des choses à m’apprendre ? », reprit-elle plus calmement, tandis que la voix de l’hôtesse priait tous les passagers d’attacher leurs ceintures en vue de l’atterrissage. ” (Juliette Sabbah)