mardi 3 avril 2012

TEAM TWO - Episode 9

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Les dés forment à nouveau un neuf: quatre et cinq. "Il faut voir ceci comme un tarot, dit-elle. Ce n'est pas un jeu comme on peut jouer aux indiens, aux échecs ou même au théâtre." Elle lui parle sans lui faire attention, concentrée sur les dés comme sur deux petits insectes dont il lui reviendrait de décider la vie ou la mort.” (Charles M)



(Suite de l’histoire n°2) “Chan Li Poum demeura interdit. Il croyait que le gong fu de la guêpe dominait en tous lieux - se serait-il trompé? Il se reprit très vite, se rassurant en regardant le moine. Que pouvait donc bien savoir ce mendiant? Il l’avait certes vaincu, mais c’est parce qu’il s’était laissé surprendre. Il répondit: “Je viens du district de Chaoyang, d’un petit village de fermiers qui n’a pas de nom - mais qui forme depuis toujours les plus grands maîtres. Zao Zao et Yin Huang-Lee sont nés chez nous. Et tous pratiquent le gong fu de la guêpe.” Le moine ne dit rien. Chan Li Poum continua: “La gouverneur a nommé chez nous un juge corrompu, l’infâme Lee. Il nous écrase d’impôts et impose à chaque famille de donner un fils à son armée. Seuls sont dispensés ceux qui sont lauréats d’un concours de fonctionnaires. Voilà pourquoi je cherche à rejoindre Shangri-La, pour y préparer les concours impériaux”. ” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Il y a les cafés qu'on ingurgite tout au long de la journée au bureau pour se donner du courage. Les bonjours polis, les saluts courtois, les hochements de tête, les sourires "oui, oui, je t'ai bien compris", les sonneries tonitruantes du téléphone, les sautes d'humeur des uns et des autres avec lesquelles on se doit de compiler, les courses dans les couloirs, les remarques que l'on se prend en plein cœur comme une flèche et qui vous font mal, comprendre les ordres, exécuter les ordres, donner des ordres à son tour, courber l'échine, être malléable, ne pas avoir de sens critique, être un mouton _ leçon n°1 _ apprendre à être con, être animal, vénal, serrer des mains pour faire bien _ des serres des sabots des ongles _ être courtois, être vil, être bas, tirer profit, s'adapter, être vicieux, être une balance s'il le faut _ serpent _ savoir tirer parti, profiter, s'insérer, flatter, laper, flagorner, caresser, malaxer, humidifier, la paresse et l'envie de tout foutre en l'air, de tout jeter par la fenêtre, voire virevolter un peu dans l'air et dépasser quelques tours, l'envie de foutre le feu, l'envie de sauter, bien peu proprement....
La pause déjeuner : engloutir un mauvais sandwich _ ce n'est pas de la salade, ce n'est pas du pain, ce ne sont pas des tomates, ce n'est pas du fromage, ce n'est pas un tranche de jambon _ le soda par dessus, le dessert calorique sans goût, sans saveur, sans rien, de la crème, de la crème, du sucre, du sucre, consomme, consomme, consomme, vas-y, lèche tes doigts, il en reste _ sucre glace, gélatine, os de porc _ cartes de fidélité, cumul de points, gagner un nouveau sandwich tous les dix tampons, sourire extatique de la boulangère_ quand ce n'est pas le repas stratégique avec quelques clients de choix _ gras, abondance, vin, pain, gras, abondance, vin, pain, gras _ se bâfrer, c'est stratégique : on apprend ça en école de communication. Manger avec appétit, ça dit : "Bon vivant, honnêteté, rassurant" puis "signature de contrat, accolade : nous sommes si amis" pour après : "argent, créance, contentieux" pour "consomme, consomme, consomme, vas-y, lèche tes doigts, il en reste". Crédits. Surconsommation, leçon n°2 : "ne plus être un simple mouton mais être un BON mouton". Évaluation.
Quand l'après-midi tout recommence, tu trouves ta vie sordide tu veux manger des salades biologiques à base de fenugrec germé pour le restant de tes jours et là-dessus David Lhomme vient et te dit : "il faut qu'on parle tous les deux", tu repenses à la fenêtre et à tout ce qu'elle pourrait faire et puis tu as toujours été très attirée par le vide. Et tu as envie d'être ailleurs.
"Il faut qu'on parle tous les deux, il font qu'on parle de notre fille...".
Et tu as envie de te réveiller ailleurs, dans une forêt...” (Alban Orsini)



(Suite de l’histoire n°4) “C'était de ses souvenirs du monde inversé que le Veilleur tirait l'essentielle de sa sagesse. Il accédait à l'univers des ombres de son tipi, chaque nuit, durant son sommeil. Ses songes n'étaient pas de simple créations de son esprit, de pâles souvenirs des jeux et des querelles du jour. Ses songes n'avaient rien à voir avec les autres membres de la tribu du Tanoué : ils étaient une porte et avaient le pouvoir de renverser le monde du jour. Nul pourtant n'enviait ce pourvoir : il s'éveillait bouleversé, parfois euphorique, mais en général déprimé, et rien ne pouvait l'atteindre davantage que ses rêves. Il passait ensuite des heures, éteint, à essayer d'interpréter ce qu'il avait vu dans le monde inversé, des insectes qui volent, des insectes qui marche, rien ne venait au hasard. Mais c'était en général quand venait l'heure des procès, au moment où la chaleur de l'après-midi était sur le point de décliner, qu'il comprenait le sens de ses visions. Jamais les énigmes de la nuit n'étaient restées sans échos dans les querelles qui lui étaient soumise. Et, maintenant que la créature en feu lui offrait une nouvelles énigme, la plus terrible qu'il ait eu à résoudre, il se souvint de la flèche.” (008)



(Suite de l’histoire n°5) “L’homme se déridait peu à peu, à mesure que l’avion entamait sa descente vers l’aéroport de New Delhi. Les passagers aux alentours semblaient avoir oublié l’épisode orageux ; comme si celui-ci n’avait été qu’un mauvais rêve. Un beau sourire flotta un moment sur ses lèvres. « Parlons donc du Boulier, avant que nous ne touchions terre », commença-t-il. Mais avant, je voudrais en savoir plus sur cet incendie ». Maya, qui commençait déjà à méditer à la manière dont elle pourrait aménager sa tente de réfugiée, revint à la réalité. « Parlons plutôt de ces mystérieux insectes » répliqua-t-elle. Elle avait fait mouche ; l’homme décrocha son médaillon en forme de scarabée, et l’ouvrit. ” (Juliette Sabbah)