lundi 16 avril 2012

TEAM TWO - episode 35


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Et ils restent là deux heures, l'un contre l'autre comme s'ils se connaissaient bien mieux que ça, leurs respirations douces pareilles à des vagues sur une plage de carte postale. Lui sur le dos, elle de biais, contre son épaule, ses cheveux cascadant sur l'oreiller jusqu'au matelas, alors que plus rien ne bouge, hormis les insectes qui grouillent derrière le mur. ” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “(reprise de l'audition)

Je sais que mes mots ont été durs hier, et cela ne me ressemble guère. Ce qui me ressemble, c'est ce que vous avez bien devant vous _prenez des photos_ ce bout de femme, ce bout d'être, ce bout de chair molle qui fait comme un bout de zan qui colle aux dents. Des enfants. Depuis que je suis ici, je me révèle être inconstante constamment, ce qui ne m'était plus arrivé depuis mon enfance. Je me découvre une constance dans l'inconstance et j'en deviens fascinante : je suis comme un diagramme normé qui irait de là à là constamment, mais ne pourrait aller au delà de certaines valeur. Celle-ci, la 90. Par exemple. Cela provient sans doute du contrecoup. Du trauma. Je suis dans une phase instable causée par l'accident que j'ai moi-même produit. Je me souviens encore de ce que me disait ma mère à ce sujet, au sujet de mon inconstance j'entends, et cela me ramène à ces jours et ces nuits, là-bas, loin d'ici. Dans la campagne, près d'une forêt. Loin de la ville et ses jardins botaniques. Mais il faut bien se rendre à l'évidence et que vous compreniez : crasher un avion et être la seule survivante n'a pas été un choix aisé. Ni une chose facile. Posez-vous donc cette question : comment ai-je fait pour survivre ? Il n'y a pas d’éjection dans les avions de ligne. Il n'y a pas d'éjection. Tout le monde est mort, et moi j'aurais survécu ? Sans blague ! Y avez-vous seulement pensé ? Y avez-vous réfléchi ? Bien sûr que cela faisait parti d'un plan et que les rats y étaient pour quelque chose. Ce choix a été mûrement réfléchi ! J'ai fait des plans. Étudié toutes les possibilités. Avec des diagrammes, j'en parlais justement tout à l'heure, ça aurait dû vous mettre sur la piste. Le préalable. L’atterrissage. Je ne suis pas de celles qui se laissent conter : je suis une femme qui compte dans un monde d'homme qui croient compter plus que de commune mesure contre un monde de femmes qui ne compte plus du fait d'hommes conteurs et affabulateurs. La métrologie est une chose d'homme qui ne prend que mal en compte la femme en lui donnant une mauvaise mesure. Je suis celle qui comprends le poids de cette existence, de cet acte révélateur et va au-delà des maîtres-étalons parce que j'ai les rats. Alors bien entendu que j'ai beaucoup réfléchi avant de prendre ma décision.
Je lève la main droite et je dis "je le jure".
Je le jure.
Ne me mettez pas de menottes. Je vaux plus que ça. Ah non, je n 'ai pas le choix ?

(la séance est levée.)

Je jure devant vous avoir fait crasher cet avion dans le seul but de faire cracher l'homme. Je jure devant vous être le précurseur d'une air nouvelle dans laquelle les femmes, et le rats, avec le renfort du gruau fait par les hommes, deviendront les seuls maîtres à bord, reléguant les hommes au seul rang de faire-valoir.Je jure être en pleine possession de mes moyens. De mes facultés. D'être au-delà, vous ne comprenez pas...
Si je reprends : faire un métier d'homme n'est pas une chose facile pour une femme, non à cause qu'il s'agisse d'un métier difficile pour une femme _ comprenez-vous ? _ mais parce que votre présence en tant que femme interroge de trop les hommes et les femmes qui trouvent que vous faites un métier d'homme alors que vous êtes une femme. Ce n'est pas une dichotomie. Je sais ce que je dis. Je travaille sur cette idée depuis des années et je vais flinguer Andy Warhol.
Si vous me libérez, je jure de retourner chez moi sans faire de vague. De ne plus rien dire. Allez, je me tairai et me conforterai à cette image que vous vous faites, hommes, des femmes. Qu'on enterre toute cette histoire et qu'on en rigole dans quelques années autour d'un bon Picon citron, à la douce faveur d'une chaude fin d'après-midi d'été. Vous viendrez chez moi et vous direz "hey, tu te souviens de cet accident meurtrier que tu as causé ?" et nous riront de bon coeur en repensant à tout ça. Je jure de rester à la maison. D'être sage. De passer mes journées à faire la cuisine et du jardinage. Avec des tabliers pour chaque activité. Et de broder des slips pour hommes au nom des jours. De porter un tablier. Pour chaque tâches. Et un chignon. Ne m'emmenez pas. Je vais porter un tablier. Je vous le jure.

Mais sinon, j'élève les armée des rats. Comme un aimant appelé : menstrues.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) Renversement étourdissant. Où est l’avion ? se demande Igor. Il n’a jamais vraiment suivi cette histoire, toujours en retard d’un épisode. C’est qu’il n’avait pas d’autre rôle que celui de victime et – désolé pour lui – ça ne risque pas de changer. Plus de scrabble, plus de maison plus d’avion mais une pesanteur terrible qui lui colle le dos au sol, là sur la texture désagréable des rochers. Les dernières des vaguelettes imbibent ses chaussettes.
Il se souvient du feu et de l’eau, la vague qui l’a fauché alors qu’il tentait de se remettre de bout, la ceinture de sécurité à laquelle sa main s’accroche. Il sent encore sa brulure que le sel s’est chargé d’entretenir. Et puis la pression sur les tempes, les oreilles qui explosent et son cerveau qui se répand sous la charge de la déferlante. Une impulsion, l’envie d’un rayon de soleil, les pieds qui battent violemment, et le compte des secondes, des minutes passées sans respirer. Après, ça se trouble encore un peu plus, une grosse bouffée d’air, un battement de jambes frénétique, le contact d’un morceau de carlingue et puis… et puis dodo. Et puis les yeux qui s’ouvrent sur le ciel bleu, les reflets moirés de l’eau, le frôlement de l’eau enfin apaisée. Les cailloux qui lui massent le dos. Une terrible envie de tousser.“” (Julien D.)




(Suite de l’histoire n°5) “L’homme frisé était bien obligé de parler. Il avoua tout de go qu’il était du Boulier. Qu’il avait été envoyé par sa « direction » pour la surveiller, depuis sa maison (qui était partie en flammes) jusque dans l’avion et ses fameuses turbulences. Mais Maya lui cachait quelque chose, et il le savait : comment avait-elle appris la fameuse torsion de l’orteil qu’elle lui avait infligé dans l’avion ? Il fallait trouver un moyen de lui soutirer l’information sans attirer son attention, songea-t-il. ” (Juliette Sabbah)