lundi 16 avril 2012

TEAM TWO - episode 25


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “"On continue cette descente harmonieuse vers le néant, avec néanmoins une partie stable et parfaite, le "six" constant et une autre partie qui s'érode à chaque jet..." Il l'interrompt: "Puisque nous somme deux, peut-être l'un des dés prédit-il mon avenir et l'autre le tien? Qui donc s'érode et qui demeure parfait?" "Ca ne marche pas comme ça, sourit-elle. Cela dit, tu as raison, tu devrais les lancer à ton tour."” (Charles M)




(Suite de l’histoire n°2) “Chan Li Poum trouva le puits qui donnait son eau au faubourg. Il y fit ses ablutions, sous le regard amusé des enfants du village. Le jeune paysan se demandait si ces vauriens l’avaient vu échouer au concours du Shangri-La et s’ils se moquaient de la mine déconfite qu’il avait alors. Prenant un air digne, Chan Li Poum reprit sa chemise, l’épousseta, et, droit comme un chêne millénaire, marcha vers les remparts qu’il n’avait pas eu le temps d’observer la veille. Alors qu’il s’approchait du mur pierreux, il entendait s’élever de l’enceinte du monastère les cris des novices qui commençaient leurs entraînements, qu’il imaginait mêlant jonglerie, hallebarderie, combats de sabres contre épées, de bâtons contre massues, tir à l’arc - il imaginait les vieux maîtres attentifs, enveloppant d’un regard bienveillant les progrès de leurs élèves, veillant au libre déploiement de ces jeunes forces qui façonnaient le gongfu de demain. Il fallait qu’il voie cela. Il eut l’idée d’un stratagème.” (David M.)




(Suite de l’histoire n°3) “Et puis après : l'invasion. Des profanateurs de sépultures ? Laquelle ? Ah oui, déjà. Moi ? Vous me prenez en photo ? Prenez moi tout entière, prenez ma poitrine en photo. Mon absence de seins. Qu'ils sachent. Que tout le monde sache. J'ai été une biochimiste de renom vous savez ? C'est drôle non ? J'étudiais les médicaments contre le Ce Que C'est.
Vendredi. Un peu plus tard.
Mon sein gauche est devenu un pont vers mon sein droit et d'autres ponts vers l'ensemble de mon corps et organes, ma vulve, tout ce qui me fait femme, des villes tentaculaires, des choses à bubons ramifiés, des araignées, mon foie, des concerts, des légers putréfiés, ma salive même, c'est injuste. L'eau coule dessous et elle est très poissonneuse. J'ai bien conscience de ce qui se passe et j'ai bien appris durant mes cours et que l'on appelle cela métastases et que cela veut dire la fin plus que fontaine (je ne boirai plus d'eau).
On pourrait faire cela et être larmoyant. On pourrait dévier vers du pathos, de l'émotionnel, et des chevaux qui galopent en un peu un flou pendant qu'une mer charrierait de petits crustacés qui lutteraient dans un sable en premier plan sur une musique des violons et un ocarina, mais on l'a tant fait par le passé que ça tend dans le temps trop. On pourrait dire que "oh lala" ou me construire une épitaphe adéquate dans du marbre vert d'Estours ou "oh peuchère d'elle". Dans une chambre d'hôpital, un jeune homme finit sa courte existence la crâne cagneux en suffocant à la manière d'un athlète arrivé au terminus bus et arrimé sur un lit mécanique et des câbles collés de partout volant vers des cieux coaguleux cloaqueux. Son dernier râle est pour rien et sonne creux, ne rebondit pas, c'est un râle de feignant, un râle de pauvre, un râle de rien. La famille se regarde, souffre cette seconde, n'intègre pas grand chose : ça reste assez interrogatif, ça se suspend, l'espace-temps d'un instant. Il y a trop d'air dans la pièce car le jeune homme ne prend plus ses bouffées. Le quota d'oxygène inspirable est trop élevé car il ne tient pas compte encore de la disparition du corps et l'air pris. L'air en trop comble donc ainsi de décombres la chambre d'une pression trop forte et le beau temps anticyclonique se fait : il y a dans cette chambre une contradiction météorologique inadéquate qui prend la forme d'une canicule qui réussit à faire transpirer tout le monde à grosses gouttes par les yeux. On représente la fin triste par une pluie mais on devrait plutôt la représenter par un soleil radieux. La poésie, l'allégorie et la représentation sont si mauvaises scientifiques. Je sais où je vais, la direction m'est désignée d'un doigt gros et boudiné et comme à mon habitude, je compte les jours, j'égraine les heures, je file la laine de ce qui me retient. De dépasser l'armateur à droite ou à gauche.
Je souhaite un petit arbre ou un genêt, je souhaite qu'on m'y dépose. Je souhaite que le vent m’amène là, et là, et puis là, s'il vous reste encore quelques mémoires et de la petite place pour un souvenir à ma taille de biochimiste. Dites au Pléthore, mon aimant, que je ne lui en veut pas. J'aurais bien assez fait pareil. J'aurais coupé mon sein aussi pour lui. Avec un couteau électrique de cuisine et ça dès le début. Aller à la racine pour éviter que la greffe prenne et ainsi lui épargner la mutilation. Et les réflexions sur le fait de passer outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas.
Je suis douce non ? Regardez-moi dans les yeux, je ne me mettrai pas à pleurer. Allez de l'avant. Prenez soin de vous.
Bisous.
Maman.

Les traitements à visée générale :
Ce type de traitement est préconisé lors de l’observation de lésions diffuses ou d’un cancer de type invasif.
· L’hormonothérapie sera ainsi utilisée pour des cancers de type hormonodépendants et s’avère particulièrement efficace dans le cas de cancers formés dans des tissus tels que les glandes mammaires ou la prostate.
· La chimiothérapie est une technique de traitement à part entière au même titre que la chirurgie et est caractérisée par l’utilisation d’un cocktail médicamenteux spécifique au patient faisant intervenir des agents de natures différentes des fleurs, ni pleurs, ni couronnes : cette femme n'existe pas.” (Alban Orsini)




(Suite de l’histoire n°4) “Dix minutes plus tard, tous les bruits avaient cessés. Tous étaient pendus aux lèvres d’un spécialiste des ondes qui communiquait avec le responsable du sonar du Thonnier espagnol.
Ils avaient eu gros temps durant la nuit, mais le vent était un peu retombé lorsque Son équipe parvint à joindre le navire. La mer les roulait encore un peu dans tous les sens et ils eurent du mal à se déplacer jusqu’à la source du signal. C’était posé là, à plat sur l’eau et ça montait et ça descendait, suivant la respiration de l’océan. Un gros morceau de tôle triangulaire qui, par un caprice des vagues n’avait pas encore réussi à couler. Entre deux tangages l’équipage put distinguer sur le dessus de la plaque une flèche, le symbole de la compagnie aérienne à laquelle appartenait l’avion disparu. On exulta de l’autre côté du fil, on avait enfin une piste… Elle eut un léger sourire avant de reprendre sa gravité, imposant à nouveau le silence, on n’avait qu’un aileron et rien n’indiquait que le reste de l’appareil fut dans les parages, ni le témoignage des marins, ni un quelconque écho de sonar. Les satellites étaient toujours aveugles, les communications muettes. On n’avait qu’un bout de ferraille qui avait bien voulu ne pas couler trop vite et aucune trace des 200 passagers.
Commencent alors les hypothèses. On examine toutes les possibilités. Tout le monde s’affaire à nouveau, Elle répartit les tâches. Christobal respire enfin. Un groupe d’ingénieurs affinent leur calcul de trajectoires en fonction des nouvelles données, d’autres ramifient les scénarios élaborés pour expliquer la disparition. On parle de ricochet, de défaillance de matériel. On définit des périmètres en fonction de l’heure de disparition.
Et Elle ? Elle s’est redressée. Elle a aboyé des ordres à tous et à chacun. Tout est bien rentré dans l’ordre. Elle peut reprendre sa place, retourner à son trône, la situation lui appartient.
Au loin un téléphone hurle. C’est pour elle. C’est terminé.” (Julien D. assure l’intérim de 008)




(Suite de l’histoire n°5) “Maya se tut et avala sa salive. Sous le soleil de plomb, on n’entendait que le clapotis d’une fontaine ruisselant à côté de la petite piscine. L’homme frisé hocha la tête, il attendait la suite, suspendu aux lèvres de Maya. Elle poussa un profond soupir et reprit : « Je me suis éloignée en courant, j’ai constaté que j’avais la lampe torche dans ma main. Papa avait dû me la tendre et je l’ai prise sans m’en rendre compte. J’ai couru très longtemps, direction précise. Puis je me suis appuyée contre un arbre et j’ai attendu le matin. Mes pensées étaient attirées uniquement vers mon père : était-il resté dans la maison ? Etait-ce lui qui avait mis le feu ? »
L’homme l’interrompit alors : « Votre père vous avait-il parlé du Boulier ? »” (Juliette Sabbah)