lundi 16 avril 2012

TEAM TWO - episode 16

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]



(Suite de l’histoire n°1) “Se retirer en lui-même pour laisser passer l'orage n'aboutirait à rien. Il calcule et pressent également qu'un nouveau dialogue ne serait pas plus fructueux. Au risque d'aliéner totalement son désir, il se résigne à jouer.” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Le long cou de tortue de Maître Fi Chan se plia davantage, si bien que ses longs sourcils noirs touchaient à présent ses genoux. Le candidat avait finit ses enchaînements et reprit la posture du tigre, les pieds légèrement écartés, face aux juges, les poings de chaque côté de la poitrine. Un long temps passa. Des gouttes de sueur se mirent à perler sur le dos du jeune paysan. Fi Chan dormait. Un jongleur, excédé par l’attente, lança avec force sa pomme sur la tête du candidat. La pomme fit un bruit de gong étouffé, qui tira Fi Chan de sa rêverie. Le vieux maître regarda à droite, à gauche, un peu perdu, comprit où il était et s’adressa au jeune paysan: “Bien, bien, c’est votre tour. Montrez-nous si vous êtes digne d’accéder à la première chambre de ShangriLa.” Le Maître qui siégeait à sa gauche se pencha à l’oreille de Fi Chan, qui l’écouta avec un air pénétré. Fi Chan se redressa: “Ah oui,eh, eh bien, félicitations!” Il se pencha sur le greffier qui était au pied de l’estrade: “Greffier, appose mon sceau sur le certificat de ce candidat, dont j’ai particulièrement apprécié le gongfu, qui n’est pas sans rappeler celui d’un jeune Woo.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Mes très chers amis.

Il semble que le ciel se soit quelque peu découvert et je suis très heureuse que les conditions deviennent de nouveau favorables.
Je vais vous dire ce que je vois ou plutôt je vais vous raconter un de mes rêves, cela ne durera pas longtemps.
Je ne suis pas du genre à beaucoup rêver.
Ou du genre à m'étendre sur mes utopies.
Mais.
J'ai rêvé que j'étais oisive.
J'ai rêvé que je n'étais rien ou que je ne produisais rien.
J'ai rêvé que l'on m'avait mise à la tête d'un projet de jardin botanique et que je faisais tout mon possible pour le mener à bien. J'ai rêvé que cet objectif occupait toute ma vie (quelle belle métaphore) et que certaines personnes tentaient de me mettre des bâtons dans les roues, ce qui me rendait triste et vulgaire. J'ai rêvé que j'étais loin de vous mes amis. J'ai rêvé que je ne faisais rien pour vous. Quelle étrange impression d'être à ce point inutile : j'ai rêvé que j'étais devenue égoïste, que seule ma pomme comptais. J'ai rêvé que je ne travaillais plus pour vous. J'ai rêvé que vous ne comptiez plus pour moi. J'ai rêvé que je vous abandonnais.
Quel drôle d'idée, quelle drôle de chose, quelle drôle de vue, quel drôle de rêve que ce rêve-ci : un rêve qui me montre tout ce que je ne souhaite pas être.
Et puis il y avait cette tortue. J'ai rêvé d'une tortue. Dans la cosmogonie chinoise, le monde est porté par quatre éléphants, ces mêmes éléphants étant portés par une tortue. Quelle belle image que cette image-là car c'est bien au travers de ce rêve que je vous le dis : je veux porter mon pays, je veux être votre socle.
Et ce n'est pas un discours vide de sens, le discours d'un étranger venu dont ne sait trop où et qui ne connaîtrait rien de vos préoccupations comme vous savez qui : non, c'est de la franchise, c'est de la promesse. C'est une direction. Ce discours sera notre boussole commune.
Bien sûr que la bataille sera longue, bien sûr que certains voudront me faire taire : mais ce projet sera mon jardin botanique et je ferai en sorte de l'amener au-delà de mes rêves, des vôtres propre et de réussir. Je le ferai pour mon pays.
Je le ferai pour vous. Pour vous tous.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Christobal ne s’était absenté qu’une seconde. Une seule. Une petite. Il avait tourné la tête, attrapé son café et lors de ce fugace instant – une seule seconde, ou peut-être deux… tout au plus –, quelque-chose avait changé sur l’écran. Quelque-chose avait disparu de l’écran de contrôle. Il était là, qui pulsait tranquillement à la périphérie de son champ de vision, presque sur le rebord et pouf… Christobal examina l’écran de haut en bas, de gauche à droite. Il effectua un balayage minutieux, c’est en tout cas ce qu’il dirait si on l’interrogeait – la réalité ressemblait plus à une panique oculaire, succession de regards strabiques et paniqués. Sa main se crispa sur la souris, il déplaça le pointeur dans tous les sens au cas où l’écho se serait caché au dessous. Non.
Plus
Il souffla, prit une gorgée de café, manqua de s’ébouillanter, manqua de s’étouffer et finit par laisser sortir la boisson qui fut rapidement absorbée par sa chemise. On disait de lui qu’il était du genre nerveux et maladroit. On se trompait, c’était bien pire. Il fallut que la caféine agisse pour que le contrôleur se décide enfin à prendre les plans de vol, les indicateurs, la météo, l’horoscope, le programme télé et l’annuaire en ligne, bref, tout ce qui était à même de lui donner une quelconque idée de l’appareil qui venait de disparaitre et ce qui avait bien pu arriver.
« Une seule une seule une seule seconde, une seconde… ». Il psalmodiait à voix basse son mantra façon Coué en tremblant de plus belle. Dans la salle, personne ne semblait avoir remarqué son manège. Las, le fruit de la connaissance était sur une branche bien trop haute pour ses jambes flageolantes. En désespoir de cause, il finit par décrocher son combiné téléphonique et composer un numéro. Il allait devoir l’appeler Elle.” (Julien D. assure l’intérim de 008)



(Suite de l’histoire n°5) “Maya se rendait bien compte qu’elle était en train de réaliser ce qu’elle cherchait précisément à éviter : exécuter les ordres de ce Boulier qu’elle était censée fuir. Mais c’était comme si, depuis le BZZZZ de l’avion, elle s’était sentie aimantée par cet homme frisé comme un mouton. Elle sentait par ailleurs qu’à l’hôtel du Dauphin, les masques allaient tomber. Peut-être finirait-elle même par connaître le nom de l’inconnu…
Ils entrèrent dans le hall de l’hôtel baigné d’une lumière lugubre. En fait d’animaux aquatiques, une unique tortue somnolait au fond d’un aquarium placé dans un coin. Maya déglutit, mal à l’aise.” (Juliette Sabbah)