dimanche 1 avril 2012

TEAM ONE - PAGE 8 - Alice Bé.

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 42 à 46 écrits par Alice Bé forme la page 8 de son texte.]


Quel genre de situation ? insista David. La jeune Griselda les regardait tous deux avec un mélange d’inquiétude et de curiosité, attendant de voir qui sortirait gagnant de ce qui avait à présent pris les allures d’une confrontation.
- Une bagatelle, enfin, tu connais Hershe ! bafouilla Salomon. Je ne t’en aurais même pas parlé, si ce n’est que Mme Cohen m’a demandé de le faire, et, comme on la connaît depuis si longtemps, je ne pouvais pas lui refuser cette faveur. Hershe a été arrêté par la police. Il a sûrement dû voler quelque chose, ou bien fourrer son nez là où il ne fallait pas, enfin tu le connais. Ce n’est vraiment pas la peine de te préoccuper pour cela.
David le regarda un instant, bouche bée. Puis, il sembla se raviser, et dit :
- Tu as peut-être raison. Mais son regard semblait faire mentir ses paroles.
Ma pauvre Griselda, reprit David en se tournant vers la jeune
femme, je manque aux devoirs les plus élémentaires de la courtoisie.
Veuillez m’en excuser, ces jours-ci je tourne un peu en bourrique.
Venez donc vous asseoir, nous allons demander à ce que l’on nous
apporte à boire.
      Ils se dirigèrent vers le petit salon, où, malgré la tiédeur de
l’air, brûlait un beau feu de cheminée. A côté du fauteuil en velours
où s’installa Griselda se trouvait un beau coffre en bois, fermé par
un solide cadenas. Elle le regardait avec curiosité. David le
remarqua, et dit d’un air indifférent :
- Oh, oui, vous vous demandez pourquoi tant de précautions. Il ne
s’agit que de vieux livres et de paperasses, auxquels mon père tenait
énormément, si bien qu’il les avait enfermés là-dedans. Cela fait des
années que personne n’y a touché. Le coffre est beau, donc nous avons
préféré le garder au salon. Quant au contenu, il a probablement été
dévoré par les insectes, depuis le temps.
Le coffre était orné de deux symboles : une étoile de David et une
balance légèrement déséquilibrée. Griselda ne semblait pas réussir à
en détacher les yeux.
- Et vous n’avez jamais été curieux de voir ce qui se trouvait à
l’intérieur ? De déchiffrer ces symboles ? A votre place, je ne pense
pas que j’aurais réussi à maintenir une telle indifférence. Et si ce
coffre contenait des révélations sur votre famille ? De mystérieuses
archives sur la vie de votre père, de vos ancêtres ?
Salomon, désireux de capturer à nouveau l’attention de la jeune femme,
se lança à son tour dans la conversation :
-       C’est vrai, David, je me suis moi aussi toujours demandé ce qu’il
pouvait bien y avoir dans ce vieux coffre. Vous savez, ajouta-t-il en
se tournant vers Griselda, lorsque j’étais petit je venais très
souvent dans cette maison. Nous jouions aux cowboys et aux Indiens, à
cache cache, aux pirates, et ce coffre était une malle aux trésors
idéale. D’autant plus que personne n’a jamais su ce qu’elle contenait.
Le visage de David s’était assombri. Lorsque le majordome arriva avec
les rafraîchissements et quelques menues victuailles, il sembla sur le
point de pousser un soupir de soulagement.
Les trois convives se mirent à boire et à manger en silence,
observant le feu qui crépitait toujours dans la cheminée. Salomon
tenait son verre d’une main presque tremblante. Il était au milieu du
gué, perdu entre deux eaux, calculant frénétiquement ce qu’il lui
fallait faire. Détective amateur perdu dans une affaire qui le
dépassait, il se sentait perdu. La belle assurance qui l’avait habité
quelques instants auparavant avait disparu aussi vite qu’elle s’était
manifestée. Pour se donner une contenance, il se leva, et s’approcha
de la mappemonde qui trônait sur la cheminée.
- Et si tu devais partir, David, dans quel pays irais-tu ?
-Je croyais que l’on avait dit que le sujet était clos, répondit David d’un ton un peu sec.
Salomon sursauta, son doigt glissa un peu vers l’est sur le globe vert et bleu. Il avait retrouvé sa place, tout en bas, son statut de petit cloporte honteux, regardant de loin la jolie abeille aux multiples rayures qui s’affaire autour de sa belle demeure. Qu’à cela ne tienne, se dit-il. Puisque l’on ne veut plus de moi, je ne vais pas m’imposer plus longtemps. Après tout, le devoir l’appelait, il fallait qu’il contacte ses autres élèves pour planifier son emploi du temps des prochains jours. David avait apprécié ses conseils, mais, comme c’est souvent le cas, il préférait garder le message et se débarrasser du messager.
-       Je vais vous laisser, j’ai des obligations.
-       Je viens avec vous.
C’était bien Griselda qui avait parlé. Elle s’était même déjà levée de son siège. David, un peu étonné, avait fait de même, alors qu’il n’avait pas jugé nécessaire de se déranger pour saluer son cousin. Salomon se sentit soudain comme un homme en chute libre qui voit un parachute s’ouvrir au-dessus de sa tête.
-       Avec plaisir, puis-je vous accompagner quelque part ?
    


(à suivre)

Alice Bé