mardi 3 avril 2012

TEAM TWO - Episode 7

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]

(Suite de l’histoire n°1) “"Tu veux pas un massage plutôt?" tente-t-il, projetant soudain une confiance complètement injustifiée. A peine a-t-il parlé que le grattement feutré reprend de plus belle dans l'angle de la pièce. Elle ne semble pas s'en préoccuper, pas plus que de lui, figée dans la contemplation des deux petits cubes sur le parquet. Il se demande ce qu'elle peut espérer y voir de plus, quelles figures prophétiques se détacheront de leur configuration géométrique pour venir animer brièvement son regard triste. ” (Charles M)



(Suite de l’histoire n°2) “Notre héros sourit dans son sommeil, songeant aux victoires qui paveraient sa route: l’éveil à vingt ans, la bouddhéité à vingt-deux - le statut de suprême à vingt-cinq. Il inspirera la terreur aux novices, l’envie aux puissants. Viendrait ensuite le temps de sortir de sa province pour passer les examens impériaux avec leur cortège de matières ingrates: botanique, ébénisterie, aqueduquerie - sujets dont il ignorait tout et dont il était sûr de tout connaître sous peu. Il était encore à rêver quand le jour parut et qu’il dut abandonner à regret cette vision merveilleuse.” (David M.)



(Suite de l’histoire n°3) “Je me suis réveillée au beau milieu de la nuit. Mes draps et ma nuisette étaient trempés et je me sentais mal à l'aise, comme très au bord d'une nausée qui ferait l'équivalent d'un précipice (sombre, sombre). Imaginez les rebords tranchants de pierres qui vous attendent en dessous et l'accueil qu'elles vous feront. Imaginez la fête. Imaginez les bruits qu'elles émettront dans le ressac d'une petite rivière poissonneuse et excavez-les comme des tombes en marbre si nécessaire pour les aiguiser, puis les replacer. Mettre au four.
Un cauchemar des plus horribles avait corrompu ma nuit à la façon d'une chaleur détestable qui empêche de dormir : il y était question d'une forêt, de fleurs abattues et de survie _ je ne sais plus trop tant les rêves sont rendus flous par la gangue inconsciente. Tout juste me souviens-je de l'impression d'être épiée, qu'une ombre menaçante planait sur moi comme un corbeau ou tout autre animal nécrophage. Il y avait un pont aussi, un pont monstrueux qui attirait mon regard : l'aimant déplace la limaille. Sous ce pont existait une société secrète des plus pernicieuses qui vivait à l’abri des regards et de la vie même. Je me suis levée, l'étrange sentiment d'être engourdie, et j'ai bu un verre d'eau en espérant que. Ouatée. Boiteuse. Sans rien pour m'accrocher : un tournis volubile. Le rebord de l'évier en canne sinon je tombe et me fracasse. Ma langue s'est peu à peu décollée de mon palais pâteux. Puis je me suis recouchée : il m'a fallu un certain temps avant de retrouver la sérénité nécessaire à l'endormissement. Lorsque le réveil à sonner, j'avais l'impression de ne pas avoir dormi. Je ne voulais plus quitter mon lit _ cocon _ mais pourtant il le fallait. Je me suis descendu trois cafés très serrés avant de me décider à partir et rejoindre les cloaques nauséabonds et moites des couloirs du métro. Un peu avant mon arrivée au bureau, j'avais un message de mon directeur financier David Lhomme qui me disait : "Tu es en retard". Je l'aurais bien tué pour ce message.” (Alban Orsini)



(Suite de l’histoire n°4) “Quand se produit une apocalypse, le plus difficile est souvent de garder son calme. Le Veilleur plongea de nouveau vers l'immense objet sens dessus dessous que lui avait envoyé le ciel. Le Poisson-ami semblait lui aussi intrigué. L'objet aux couleurs chamarrés semblait avoir avalé de la lumière. Le Veilleur savait discerner, dans la nuit ou sous l'eau, les ombres malveillantes. Il connaissait le secret des fleurs, il avait hérité du savoir de l'Ancien, et l'initiation rituelle l'avait fait passé sur le pont qui mène au pays des Eveillés. Mais aujourd'hui, comme s'il était à la fois attiré et repoussé par la pierre magique, il était paralysé : pour la première fois, il avait devant lui un mystère qui semblait envoyé par Tanoué lui-même et dont l'Ancien n'avait rien dit. Il fallait pourtant bien prendre une décision.” (008)



(Suite de l’histoire n°5) “Le jour s’était levé à l’extérieur et les passagers affichaient tous un air neurasthénique de condamnés résignés à leur sort. En un clin d’œil, Maya comprit que l’avion n’allait pas s’écraser, que ceci n’était rien d’autre qu’un avertissement du Boulier ; il la suivait donc comme une ombre maléfique. Après une rapide évaluation de la situation, elle décida de se rasseoir. Ce n’était pas le jour des superhéros et de toute façon, l’avion avait repris un rythme de croisière ; en bas de l’appareil s’étalaient des champs de fleurs, une rivière coulait sous un pont. Les gants et la loupe allèrent rejoindre, au fond du sac de Maya, sa lampe de poche et son jeu de clefs. Il fallait plutôt interroger le voisin qui la regardait avec une étrange fixité. ” (Juliette Sabbah)